Le concept de «vallée de l'étrange» (ou uncanny valley en anglais), s'il avait déjà été abordé dans les médias (dans Le Figaro par exemple, à propos du film L'Étrange histoire de Benjamin Button dans lequel Brad Pitt était vieilli ou rajeuni par ordinateur), n'avait encore jamais été véritablement étudié. C'est chose faite, relate Wired UK, puisqu'une équipe de chercheurs de l'université de Californie à San Diego, aux États-Unis, a mené une enquête à ce sujet.
Le concept fait référence, en robotique, à la chute de familiarité dans la ressemblance d'un robot (ou androïde) avec un être humain, lorsque l'on tente de trop faire ressembler le robot à l'être humain.
Par exemple, explique Wired, «nous sommes capables d'apprécier Wall-E, le robot de Pixar, ou Mario, le héros de Nintendo, mais nous avons la chair de poule en voyant les visages ultra-réalistes du Pôle Express ou du Tintin de Steven Spielberg».
L'équipe de recherche a recruté 20 sujets, âgés de 20 à 36 ans, qui n'avaient jamais travaillé avec des robots, et n'avaient pas été au Japon, «où l'exposition culturelle aux androïdes est bien plus présente», précise Wired. Elle s'est aussi associée au laboratoire Intelligent Robotics, de l'université d'Osaka au Japon, qui est spécialisé dans la création d'androïdes (notamment le Repliee Q2) ressemblant fortement à des êtres humains.
Chaque sujet a visionné trois vidéos enregistrées par le laboratoire. La première montrait leur robot en train d'effectuer des tâches de la vie de tous les jours, comme faire un signe de la main, prendre un verre d'eau ou récupérer un bout de papier sur une table. La seconde, les mêmes actions, mais cette fois effectuée par plusieurs Japonaises sur lesquelles le robot est basé. Enfin, la troisième montrait le robot, dénué de sa peau synthétique et de ses cheveux (à la manière du Terminator).
Pour chaque visionnage, le spectateur était mis au courant de la nature du personnage à l'écran, et le cerveau du sujet soumis à une IRM.
«Lorsque le sujet a vu les vidéos avec le véritable humain et le robot métallique, son cerveau a montré des réactions typiques. Mais en voyant l'androïde étrange, le cerveau s'est “allumé” comme un sapin de Noël.»
Plus particulièrement, précise l'étude, les modifications observées se situent dans la région du cerveau qui connecte le cortex visuel (qui gère les mouvements) avec le cortex moteur, qui contient les neurones d'empathie (ou neurones miroirs), gérant nos capacités à percevoir les émotions. Le cerveau n'arriverait pas à faire le lien entre l'apparence robotique et les mouvements humains. Inga Kiderra, journaliste à l'université de San Diego, explique:
«Si le sujet nous semble humain et bouge comme un humain, on l'accepte. S'il ressemble à un robot et bouge comme un robot, on l'accepte aussi; nos cerveaux n'ont pas de problèmes pour comprendre l'information. Les problèmes apparaissent —contre toute attente— quand l'apparence et les mouvements ne correspondent pas.»
L'étude conclut:
«Alors que les robots artificiels ressemblant à des humains deviennent de plus en plus présents, peut-être que nos systèmes de perception se règleront pour que nous acceptions ces nouveaux partenaires sociaux.»