Au cas où vous ne seriez pas au courant, le 21 mai 2011, c'est la fin du monde. Enfin, le jugement dernier, mais c'est un peu pareil, puisque la terre sera ravagée par tout type de fléau.
C'est en tout cas ce que prédit un groupe d'activistes chrétiens, nous apprend Salon, qui a cru bon de faire partager la triste nouvelle par le biais de panneaux publicitaires, que nous montre le Vancouver Sun.
A quelques jours du Jugement dernier, on peut supposer que cette communauté est toute affairée en prières et préparatifs. Mais après? Que deviendront-ils si, malencontreusement, la fin du monde n'a pas lieu samedi 21 mai? Harold Camping et ses fidèles abandonneront-ils leurs croyances?
Pas du tout, explique Time. Loin de refuser leurs croyances face au constat de l'échec de leurs prévisions, les fidèles en sortiront renforcés.
C'est la psychologie qui le dit. Des précédentes études sur les religions apocalyptiques se sont penchées sur la réaction des croyants face à l'échec de leurs prédictions. Leon Festinger par exemple, auteur de L'Echec d'une prophétie, un classique de 1956, a suivi le parcours d'un groupe d'ufologistes persuadés de l'imminence de la fin du monde. Avant la date de la prophétie, les croyants avaient commencé à préparer la fin du monde: ils quittent leur travail, donnent leur argent et leurs biens. Après, alors que leur prophète leur explique que le pire a été évité grâce à leur foi, les fidèles entrent dans une phase de prosélytisme intense, plus convaincus que jamais que leurs prédictions étaient vraies.
D'après le concept de dissonance cognitive, élaboré par Festinger, en présence de cognitions incompatibles entre elles, l'individu met en œuvre des stratégies inconscientes visant à restaurer un équilibre cognitif. Une de ces stratégies pour réduire la dissonance cognitive consiste à modifier ses croyances, attitudes et connaissances pour les accorder avec la nouvelle cognition. C'est ce qu'on appelle le «processus de rationalisation». Dans le cas des ufologistes, plus ces fidèles se sont investis dans un point de vue particulier, moins ils sont susceptibles de l'abandonner, même face à l'évidence.
Plusieurs études vont dans ce sens. Ainsi, on a montré que quand on paye plus pour un mauvais vin ou un mauvais repas, on est plus susceptible de dire qu'on l'a apprécié, par rapport à des personnes qui ont mangé les mêmes choses mais qui les ont payées moins cher.
Festinger lui-même a mené une autre étude approfondissant ce phénomène. Il a donné à des étudiants des tâches très bêtes à effectuer: par exemple tourner des pages. Après que les étudiants se sont suffisamment ennuyés, il leur demande de lui faire une faveur. Il propose à certains 20 dollars, à d'autres 1, et à d'autres encore rien du tout, pour la même faveur: convaincre un autre étudiant que la tâche n'est pas ennuyeuse. Ensuite, un chercheur leur demande ce qu'ils ont vraiment pensé de leur tâche. Ceux qui ont été payés 20 dollars ou rien du tout la trouvent très ennuyeuse. Mais ceux qui ont été payés 1 dollar affirment la trouver pas si mal que ça. Pourquoi? Les personnes qui ont été bien payées ou pas du tout n'ont aucune raison de mentir. Ils sont été suffisamment payés, ou alors ils croient faire une vraie faveur aux chercheurs.
Alors que ceux qui n'ont été payés qu'1 dollar sont coincés: soit ils acceptent avoir été corrompus pour peu, soit ils se convainquent eux-mêmes de la fausse information qu'ils divulguent: la tâche n'est finalement pas si ennuyeuse.