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Dimanche 15 mai au soir, Dominique Strauss-Kahn avait rendez-vous à Berlin avec Angela Merkel. Il devait ensuite foncer à la réunion des ministres des Finances de la zone euro, à Bruxelles. La presse allemande n’a pas manqué de commenter les retombées politico-économiques mondiales de la chute de Dominique Strauss-Kahn. Mais les analyses épousent souvent une vision socio-historique.
Rudolf Bamer, correspondant à Paris du quotidien berlinois de gauche Die Tageszeitung énumère à ses compatriotes les futurs enjeux de politique intérieure française:
«Les instituts de sondage viennent de perdre leur chouchou. (…) Ce scandale est une aubaine pour Marine Le Pen et sa campagne électorale anti-establishement. L’élimination de DSK ouvre la voie à un duel entre elle et Sarkozy.»
Dans un second temps, il ausculte plus précisément la signification de l’événement pour les Français. Aujourd’hui, le choc est d’autant plus immense que l’homme devait devenir président de la République, dit-il, avant d’évoquer le «cas de conscience» dans lequel doivent se trouver les journalistes:
«L’appétit sexuel de DSK était connu du cercle médiatique depuis longtemps. Seulement voilà: jusqu’ici, en France, la vie privée des hommes politiques, et, en premier lieu, leurs penchants sexuels, étaient tabous. Jusqu’ici, tous s’en tenaient à cette espèce de loi secrète, et aujourd’hui, certains le regrettent. À force d’avoir caché, édulcoré, et censuré les dérapages de DSK au nom du respect de la vie privée, les conséquences sont plutôt perverses.»
Selon lui, les œillères posées sur la vie intime des hommes politiques français ont toujours accompagné la vieille République. De Félix Faure à Chirac en passant par Giscard d’Estaing et Mitterrand, la sphère privée a sans cesse été évoquée la main devant la bouche:
«Et cela, sans une once d’indignation morale, mais plutôt avec une forme de fière reconnaissance pour tant de vitalité virile et d’appétit de vivre»
Le Tagesspiegel voit dans l’affaire DSK tous les ingrédients du parfait scandale. Mais l’auteur explique que c’est surtout l’image qui a affecté la France d’une façon toute particulière:
«La satisfaction de voir un grand chuter est étrangère aux Français. En France, la culture du politique est plus exubérante: on habite des palais, on mange dans de l’argenterie. Que les Américains s’énervent contre un président ayant couché avec une stagiaire, que les Allemands élisent invariablement de grisâtres technocrates, cela fait sourire les Français. Mais si les accusations contre DSK se confirmaient, cela pourrait leur faire changer de regard sur leur propre culture politique.»
Dans une colonne assez lyrique du Focus, l’éditorialiste Alexander Kissler démontre que DSK, qu’il soit coupable ou non, plonge pour l’exemple. Si jadis, l’élite pouvait heurter la morale, elle est aujourd’hui plus sévèrement jugée:
«La société du XXIe siècle est en train de passer ses nerfs sur quelqu’un.»