Les Turcs ne pourront plus écrire «histoire» ou «belle-soeur» sur Internet, deux mots hautement dangereux d'après l'autorité qui gère les télécoms et la communication dans le pays.
La Telecommunication Communication Presidency a banni 138 mots de l'Internet, rapporte le site de journalisme indépendant Bianet. Le jeudi 28 avril, l'autorité a fait parvenir une liste de mots et de termes interdits aux fournisseurs d'accès à internet, dont des termes «ordinaires» employés dans la vie quotidienne et des prénoms comme «Adrianne» ou «Haydar».
Les mots sont classés dans trois différents groupes. Les noms de domaines contenant des mots interdits ne seront pas distribués ni utilisés, affirme la circulaire, et il sera impossible d'accéder aux sites existants dont les noms de domaines contiennent ces mots.
Le cyber-activiste et professeur de droit Yaman Akdeniz a demandé au département internet de la Telecommunication Communication Presidency pourquoi pourquoi les prénoms Adrianne et Haydar font partie du groupe 2 des mots interdits, et quelles sont les personnes qu'ils désignent. Il a également demandé qu'on lui fournisse toutes les informations et documents qui ont servi à la préparation de la liste et qui serviront à la mise en place de cette nouvelle règle.
Akdeniz fait ces demandes parce que «l'explication de ces documents est dans l'intérêt public», et se repose sur un article de loi qui consacre «le droit à l'information selon les principes d'égalité, d'impartialité et d'ouverture qui sont nécessaires à un gouvernement démocratique et transparent».
Surtout, ajoute-t-il auprès du Hürriyet Daily News, la circulaire «ne repose sur aucune base légale»:
«Les hébergeurs n'ont pas comme responsabilité de surveiller des activités illégales; ils sont seulement responsables s'ils ne font rien après que la Telecommunication Communication Presidency –ou n'importe qui d'autre– leur a notifié un contenu illégal et leur a demandé de l'enlever.»
Quels sont ces mots interdits?
Vu certains mots interdits, des dizaines de milliers de sites risquent d'être censurés et/ou fermés: il n'y aura plus d'«animal», de «belle-soeur», de «nu», de «croustillant», de «jupe», «feu», «fille», «homosexuel», «confidentiel», «fait-maison», «confession», «lycéen», «partenaire», «blond», «trop gros», «local», «adulte», et... «interdit»! Le mot anglais «pic», qui désigne une photo, est interdit parce qu'en turc il signifie «bâtard», et le verbe anglais «got» («eu») parce que le mot signifie «fesses» en turc...
Avec des situations ubuesques à la clé: par exemple, le site «donanimalemi.com» (traduit par Hürriyet Daily News comme «hardwareworld.com») pourrait être banni parce que le nom de domaine contient le mot «animal»...
Les fournisseurs de nom de domaine locaux n'ont aucune idée de ce qu'ils sont censés faire, alors même que la lettre officielle menace de punir les entreprises qui n'interdiront pas les sites contenant «des mots interdits».