Wikipedia, dix ans et trop de chromosomes Y. Le New York Times cite une étude de l’encyclopédie en ligne selon laquelle 13% seulement de ses contributeurs sont des femmes et qui observe que des sujets jugés «féminins» (les bracelets brésiliens ou la série Sex and the City, par exemple) sont traités beaucoup moins en longueur que des sujets jugés «masculins» (les cartes de base-ball, les soldats de plomb ou Les Sopranos).
«Sue Gardner, la directrice exécutive de la fondation Wikipédia, s’est fixée pour objectif de faire monter la proportion de contributrices à 25% d’ici 2015, mais elle doit affronter les traditions du monde informatique et une obsession amoureuse pour les faits qui est plutôt le fait des hommes et face à laquelle, selon certains, les femmes seraient mal à l’aise», explique le quotidien. «Tout le monde peut apporter ses miettes d’information à la table», affirme Sue Gardner. «Si elles ne sont pas à cette table, nous ne profitons pas de leurs miettes.»
Le New York Times cite également Jane Margolis, auteure d’un livre sur le sexisme dans le monde informatique, selon qui le problème qu’affronte Wikipedia vaut pour d’autres champs, comme la politique ou les éditoriaux des journaux. Selon les chiffres de l’organisation OpEd Project, un taux de participation des femmes de 15% se retrouve aussi au Congrès ou dans les pages «Tribunes» du New York Times ou du Washington Post.
«Vous devez être obsessionnel»
Sur Mother Jones, le blogueur Kevin Drum nuance légèrement le constat du New York Times:
«Je pense que le problème a moins à voir avec le fait que les femmes auraient du mal à affirmer leurs opinions qu’avec la plus large proportion de comportements obsessionnels et “autistes” parmi les hommes. Après tout, pourquoi quelqu’un voudrait passer des heures à enquêter puis écrire et éditer gratuitement une page Wikipedia sur les Simpsons ou des auteurs féministes mexicains? Qualifier le fait de faire ou non cela d’“avoir une opinion sur le sujet” est un peu léger: vous devez être obsessionnel.»
Sur Jezebel, la journaliste et écrivain Anna North exprime elle également son point de vue:
«Ajouter une entrée à Wikipedia ne requiert pas seulement de s’envisager comme une autorité, mais aussi de s’inscrire et d’entrer dans une communauté en ligne qui est très concentrée sur l’information et les futilités —le genre de communauté qui stigmatise les femmes en interne (qu’est-ce qu’elle en sait?) et en externe (pourquoi une fille passe du temps sur un tel site?). Certaines formes de geekitude sont maintenant cool pour les femmes (lire des comics, par exemple) mais éditer l’article sur Pat Barker [une romancière britannique, ndlr] sur Wikipedia n’en fait pas partie.»
Photo: l'article «femme» sur Wikipedia France.