Ce samedi 8 janvier 2011, (une partie de) la France commémore les quinze ans de la mort de François Mitterrand, le 8 janvier 1996 à Paris, huit mois après son départ de l’Elysée. Et, après les cinq ans en 2001 et les dix ans en 2006, cette nouvelle commémoration ne plaît pas à tout le monde, d’autant que cette date coïncide avec le premier anniversaire de la mort de Philippe Séguin, le 6 janvier 2010...
«A bas la nostalgie», s’exclame ainsi Yves Thréard, éditorialiste du Figaro:
«Cette culture de la nostalgie, très française, est aussi absurde que ridicule. [...] Reconnaissons que [Mitterrand] s'est beaucoup trompé, notamment en économie. Quant à l'idéal socialiste, disons qu'il l'a plutôt tué que promu. [...] Séguin, oui certes, c'est l'homme qui savait dire non, qui avait des idées, qui a aidé Chirac à devenir président. Mais c'est aussi l'homme qui a fait perdre la droite ou qui l'a abandonnée en rase campagne. [...] Aujourd'hui rien ne dit qu'ils seraient à la hauteur des défis posés à notre époque. Pas plus qu'à la leur.»
«Nostalgie», c’est aussi le mot qu’emploie Jean-François Achilli, de France Inter:
«Leur mémoire sera donc honorée. C'est à croire que les personnalités politiques, de droite comme de gauche, éprouvent le besoin de se ressourcer dans le passé, avant la grande bataille présidentielle qui s'annonce. Consulter les oracles des grands disparus, dont l’ombre tutélaire plane encore, est une façon d’aller chercher dans les vieilles marmites les leçons de la sagesse ou du succès. La classe politique est-elle en mal de repères?»
Cette nostalgie est encore renforcée par le fait que François Mitterrand et Philippe Séguin se sont notamment croisés à un moment décisif de l’histoire politique française: leur débat télévisé sur le traité de Maastricht, quelques semaines avant le référendum qui allait approuver celui-ci par seulement 51% des voix, en septembre 1992. Un épisode que rappelle Le Monde, qui consacre par ailleurs sa contre-enquête (payante en ligne) au sujet «Mitterrand, Séguin, la nostalgie comme projet?».
Frédéric Mitterrand n'ira pas à Jarnac
Chez les politiques, le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand a lui annoncé sur Europe 1 qu’il ne se rendrait pas à la commémoration à Jarnac, la ville où son oncle est né en 1916, et qu’il passerait la journée avec sa mère, belle-soeur de l’ancien président. Il craint en effet que l’évènement ne soit récupéré politiquement:
«Je n'irai pas à Jarnac car je en veux pas instrumentaliser le nom de Mitterrand. Je n'y aurai pas vraiment ma place.»
A quelques mois des primaires en vue de l’élection présidentielle, plusieurs dirigeants socialistes seront en revanche présents, dont Ségolène Royal, qui prononcera un discours en tant que présidente de la région Poitou-Charentes, et la première secrétaire Martine Aubry, qui devrait également intervenir. En ce qui concerne Philippe Séguin, un colloque était organisé vendredi à l’Assemblée nationale en présence de François Fillon, tandis que Nicolas Sarkozy a salué la mémoire d’un «pupille de la Nation» devenu «pilier de la République».
Photo: Philippe Séguin et François Mitterrand en avril 1995. REUTERS/John Schults.