Parmi
les câbles divulgués par WikiLeaks, il n’y a pas que de sombres
histoires diplomatiques entre chefs d’Etat, la preuve avec un document
de l’ambassade américaine aux Bahamas daté du 15 novembre 2006, et qui
raconte comment Anna Nicole Smith, une célébrité de seconde zone,
ancienne playmate qui s’est essayée à la chanson, au cinéma et à la
télé-réalité, a semé le «chaos» et bouleversé le champ politique de l’île.
«Aucune femme n’avait causé autant de dégâts à Nassau depuis Betsy, l’ouragan de catégorie 4 en 1965», écrit l’ambassadeur américain en guise d’introduction.
Le
11 août 2006, Anna Nicole Smith a déposé une demande de résidence
permanente à Nassau, la capitale des Bahamas, comme autorisé par une loi
sur l’immigration en faveur des propriétaires d’un logement de plus de
500.000 dollars. Alors qu’habituellement cette procédure prend au
minimum un an, un mois plus tard, le 20 septembre 2006, le dossier de
Smith était accepté, et l’actrice aurait à ce moment-là remis un chèque
de 10.000 dollars à Shane Gibson, le ministre de l’Immigration de
l’époque. Gibson, qui selon Smith aurait personnellement approuvé son
dossier, affirmait alors qu’elle avait été «traitée comme n’importe quel candidat».
Gibson,
auparavant populaire grâce à sa politique anti-immigration agressive
notamment contre les Haïtiens, était alors devenu aux yeux des Bahaméens
«une marionnette au service des privilégiés plutôt qu’un défenseur des gens du peuple».
Dans un sondage du Bahama Journal (dont le lectorat est composé en
majorité d’électeurs du Parti Libéral Progressif, celui de Gibson) «90%
des lecteurs désapprouvaient la façon dont le gouvernement avait géré le
dossier Anna Nicole».
Le
scandale ne s’arrête pas là: après la mort soudaine et mystérieuse le
10 septembre du fils d’Anna Nicole Smith qui rendait visite à sa mère à
Nassau, la Coroner’s Court des Bahamas s’est retrouvée «incapable —ou peu disposée— à fournir la cause du décès du fils d’Anna Nicole». Lorsqu’un médecin légiste américain a conclu à une overdose, le gouvernement a été soupçonné de «retarder l’annonce de leurs découvertes pour ne pas mettre Anna Nicole dans l’embarras». La Coroner’s Court fut dissoute, au grand dam des Bahaméens qui allaient pâtir de cette décision.
Le
8 février 2007, Anna Nicole Smith mourut d’une overdose accidentelle de
médicaments, et dix jours plus tard, après que des photos d’une «étreinte romantique» entre celle-ci et Shane Gibson furent publiées dans la presse, le ministre quitta le gouvernement.
Mais
la grande gagnante dans l’histoire, c’est la presse bahaméenne qui a
réussi, en attirant les locaux avec le nom d’une scandaleuse célébrité
de seconde zone, à faire s’intéresser le public aux affaires politiques
de l’île, et à surveiller davantage les agissements de son gouvernement.
Photo: photos 164 - doggiesrule04 via Flickr CC License by