La sortie de Marine Le Pen vendredi soir a été très largement dénoncée par les responsables politiques, de Benoît Hamon selon qui la candidate montre le «vrai visage de l'extrême droite française» à Jean-François Copé pour qui «il faut arrêter de se mentir, c'est exactement la même personnalité que celle de son père (...) c'est exactement les mêmes techniques que son père, les mêmes amalgames, il faut bien le dire, les mêmes propos».
Invitée sur Europe 1 ce dimanche 12 décembre, Ségolène Royal a quant à elle refusé de s'exprimer sur les déclarations de Marine Le Pen, dont elle a pris bien soin de ne pas prononcer le nom, ne voulant pas se «laisser détourner sur des provocations volontaires qui cherchent à focaliser le débat politique». Elle a en revanche attribué la responsabilité de la montée du Front National à Nicolas Sarkozy, estimant que «si le FN est écouté aujourd'hui c'est parce que le pouvoir en place n'a pas tenu ses promesses»:
«La responsabilité de l'impact des discours, c'est Nicolas Sarkozy et son gouvernement qui les portent.»
Vendredi soir, la fille du leader frontiste, candidate à la succession de son père à la tête du Front national, avait déclaré:
«Maintenant il y a dix ou quinze endroits où de manière régulière un certain nombre de personnes viennent pour accaparer les territoires. C'est une occupation de pans du territoire, des quartiers dans lesquels la loi religieuse s'applique, c'est une occupation. Certes y a pas de blindés, y a pas de soldats, mais c'est une occupation tout de même.»
Samedi, Marine Le Pen a tenu à préciser qu'elle ne faisait pas forcément référence à la Seconde Guerre mondiale:
«J'aurais pu aussi parler de l'occupation par les Anglais à l'époque de Jeanne d'Arc.»
Cette provocation s'inscrit dans la bataille que se livrent Marine Le Pen et Bruno Gollnisch pour la succession de Jean-Marie Le Pen. Le vote des militants se tiendra les 15 et 16 janvier 2011 et Marine Le Pen se trouvait à Lyon, fief de son concurrent. Bruno Gollnisch s'était fait remarquer le 7 décembre, en tenant un discours très dur, entouré de toute la vieille garde pétainiste et antisémite. Thomas Legrand remarquait:
Mardi soir donc, Gollnisch a récité le parfait bréviaire de la vieille France rancie et pétainiste, rêvant tout haut de mettre les émigrés sans papiers dans des camions militaires, direction la frontière (laquelle? Il n’est pas allé jusqu’à ce degré de précision), il promettait de faire de Vaulx -en-Velin et de Villiers-le-Bel, «des villages français», de lancer un appel de Saint-Denis pour le rétablissement des valeurs familiales...
Pour le chroniqueur de Slate.fr et de France Inter:
Bruno Gollnisch, en facho de base, c'est une divine surprise pour Marine Le Pen qui se démène depuis des années pour dé-diaboliser son image et laver le nom de Le Pen, passablement entaché par les outrances du père. Et voilà que par effet de contraste, Bruno Gollnisch aide Marine Le Pen –c'est un comble– à se présenter en quasi-gentille conservatrice, certes un peu gouailleuse, mais relativement modérée.
Ce n'est pas la première fois que Marine Le Pen durcit son discours après être apparue plus «fréquentable», comme le soulignait Titiou Lecoq pour Slate.fr:
Ce durcissement peut étonner alors que précisément son ouverture semblait médiatiquement lui réussir. Pourquoi changer ? Simplement parce que les électeurs et les militants, ce n’est pas la même chose. Si pour les électeurs du Front, elle est perçue comme un symbole positif, au sein des militants traditionnels du parti, un parti majoritairement masculin, elle est une vendue face à un Gollnisch qui serait un vrai, un authentique. Or, elle a besoin du vote des militants pour prendre la tête du parti lors du prochain congrès, en janvier 2011.
Photo: Charles Platiau / REUTERS