«Su free. Unite & advance to grab the hope» («Su est libre. Unissez-vous et mettez-vous en marche vers l’espoir»): c’est le message qui s’affichait le 16 novembre en une de First Eleven, le principal quotidien sportif de Birmanie. Ou, du moins, qui était compréhensible pour les lecteurs qui, comme dans un roman d’espionnage, ont assemblé quelques lettres, imprimées dans une couleur différente, de chaque mot du titre, qui portait sur le championnat anglais: «Sunderland freeze Chelsea. United stunned by Villa & Arsenal advance to grab their hope» («Sunderland glace Chelsea. United pétrifié par Villa tandis qu’Arsenal se met en marche vers son rêve»). La veille, la dissidente Aung San Suu Kyi avait été libérée après sept ans d’assignation à résidence.
Le site Asia Sentinel explique que cette audace a valu à First Eleven «deux semaines de suspension de sa publication» car «les journaux du pays étaient seulement autorisés à mentionner brièvement la libération d’Aung San Suu Kyi». Un autre journal, The Irrawaddy, explique lui comment First Eleven a réussi à contourner la censure, citation d’un employé du Bureau de contrôle de la presse à l’appui:
«L’exemplaire que nous avons lu était en noir et blanc, nous ne nous en sommes pas rendus compte. Quand le journal a été publié, les gens se sont vite mis à en parler, c’est comme ça que nous avons compris.»
Selon Asia Sentinel, plusieurs autres journaux ont été sanctionnés pour leurs écrits sur le sujet, car, d’après The Irrawaddy, «le Bureau de contrôle de la presse autorisait seulement à publier des déclarations considérées comme "positives", et notamment pas à mentionner le fait qu’Aung San Suu Kyi avait déclaré que son parti, la Ligue nationale pour la démocratie, se concentrerait sur ses activités politiques».
Mais beaucoup de journaux, comme First Eleven, ont eu recours à des astuces pour mettre en avant la libération de la dissidente, selon The Irrawaddy, qui cite un responsable d'une rédaction de Rangoon:
«Nous ne pouvions pas imprimer de grande photo de Suu Kyi ou mettre sa photo sur la une, mais beaucoup de journaux l’ont imprimée en Une d’un supplément, qui en kiosque est devenu la couverture du journal.»
Photo: la couverture de First Eleven le 16 novembre (DR).