Une enquête de la DCRI serait en cours pour trouver les sources qui ont parlé au rédacteur en chef du Canard Enchaîné Claude Angeli, lui permettant d'écrire «Sarko supervise l'espionnage des journalistes» dans le numéro précédent de l'hebdomadaire. C'est ce qu'affirme dans le Canard de cette semaine Claude Angeli, qui raconte le malaise qu'a créé son article: un cadre de la DCRI décrit l'ambiance du bureau comme «un climat de suspicion généralisée. La "boîte" est figée».
Cette source anonyme confirme également que ce rôle de surveillance des journalistes «ne plaît guerre à Squarcini», le patron de la Direction centrale du renseignement intérieur. Claude Angeli revient ensuite sur les réactions à son article: il y affirmait que «depuis le début de l’année au moins, dès qu’un journaliste se livre à une enquête gênante pour lui ou pour les siens, Sarkozy demande à Bernard Squarcini, patron du service de Renseignement intérieur (DCRI), de s’intéresser à cet effronté». Au sein de la DCRI, la mission serait confiée à des «anciens des RG» dont la première tâche serait de se procurer «les factures détaillées du poste fixe et du portable du journaliste à espionner» grâce, selon une source de la DCRI, à la «grande complicité» des opérateurs mobiles.
Quant aux réactions, le journaliste estime qu'une «certaine hésitation était manifeste». L'Elysée avait certes dénoncé dès le lendemain de la parution de l'hebdomadaire une accusation «totalement farfelue», mais le ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux, refusait de s'exprimer. Avant de le faire finalement le lendemain en affirmant sur France 2 que la DCRI n'était pas «la Stasi ou le KGB», et que son objectif n'était pas «de suivre des journalistes, c'est d'interpeller des terroristes».
Ensuite est annoncé un dépôt de plainte par Bernard Squarcini, note Claude Angeli, alors que le patron de la DCRI l'avait appelé bien avant pour contester et le titre et le contenu:
«Conversation détendue, sans la moindre colère ni menace d'une quelconque poursuite.»
Ces révélations du Canard Enchaîné sur la responsabilité du président quant à l'espionnage de journalistes survenait peu après une double affaire sur la protection des sources des journalistes de l’affaire Bettencourt. Le procureur de Nanterre Philippe Courroye vient d’arguer, dans des conditions contestées, de contacts téléphoniques de journalistes du Monde avec la juge du siège Isabelle Prévost-Desprez pour réclamer son dessaisissement de l’affaire. Dans les jours qui suivent ont été annoncés une série de cambriolages suspects touchant les journalistes suivant l’affaire au quotidien du soir, à Mediapart et au Point. Des cambriolages qui, selon Le Canard Enchaîné, pourraient avoir été «confiés à des officines».
Photo: Listen up: ears really are strange looking if you think about it / woodleywonderworks via Flickr CC License by