Le fantasme des policiers s'improvisant casseurs pour pourrir la mobilisation refait surface avec une vidéo troublante filmée par Reuters. Samedi 16 octobre, en fin d'après-midi, boulevard Diderot à Paris, non loin de Nation, un casseur s'en prend à une banque avec un poteau en métal. Il est pris à parti par un passant, qui va lui-même se prendre un violent coup de pied dans le dos.
Arrêt sur images a enquêté sur cette vidéo et confirme qu'il s'agit bien d'une vidéo de l'agence de presse Reuters, mais personne n'est en mesure d'expliquer comment elle s'est retrouvée sur YouTube. Dans les commentaires de la vidéo, sur les blogs, les forums, la polémique est vite montée: et si le casseur était en fait un policier en civil? «On a vraiment l’impression d’une séquence de film. Mauvais au demeurant, car les coups semblent bidons et l’impression se renforce lorsque le caméraman (un journaliste de Reuters) élargit le champ», écrit le commissaire Georges Moréas sur son blog.
La thèse du coup monté est soutenue par le témoignage sur Arrêt sur Images de l'homme aux cheveux blancs qui essaye d'empêcher le casseur d'opérer:
«Le "ninja" qui m'a frappé dans le dos ne m'a pas fait mal du tout, le coup n'était pas du tout fort. Après, plusieurs personnes se sont mises autour de moi et m'ont donné des coups pas violents du tout, quasiment des faux coups, jusqu'à qu'une voix autoritaire dise "Lâchez-le". C'était l'homme au visage découvert, qui a ensuite parlé à ma femme et ma fille, qui avait la main en sang pour s'être pris une bouteille de bière lancée par un casseur. J'ai eu l'impression que les gens qui m'ont entouré m'ont en fait protégé pendant le moment violent. Mon hypothèse ? C'était des policiers qui avaient des consignes pour laisser faire des dégâts matériels, mais surtout pas de blessés.»
Qu'en pensent les spécialistes? Jean-François Herdhuin, ancien commissaire de police, interrogé par Rue89, doute:
«Pour moi, l'homme à la matraque, on dirait un policier. Mais je ne suis pas sûr à 100%, car son comportement est anormal, il s'isole dans la foule. Normalement, il devrait avoir un brassard… Parfois, pour ne pas se faire lyncher, les policiers en civil ne le mettent pas.»
Le commissaire Georges Moréas appelle à ne pas tirer trop vite de conclusions sur cette vidéo:
«La tentation est grande d’imaginer que des consignes secrètes seraient données afin que les choses s’enveniment. Un moyen de rendre le mouvement impopulaire. Pour cela, il faudrait envisager qu’il existe une sorte de… “bad brigad”. Un groupuscule qui ressemblerait à ce qu’était le SAC, il y a quelques dizaines d’années. Même si les images de cette vidéo sont troublantes, ne tombons pas dans la parano.»