Le comité Nobel aura donc résisté aux pressions de Pékin. Le prix Nobel de la paix 2011 a été accordé vendredi au dissident chinois Liu Xiaobo. «Liu Xiaobo, 54 ans, a été condamné en décembre 2009 à onze ans de prison pour son rôle dans la rédaction et la dissémination de la Charte 08, un texte réclamant la démocratisation de la Chine, signé par plusieurs milliers de personnes», rappelle Pierre Haski, le directeur de Rue89 et ancien correspondant de Libération à Pékin.
Lors de son procès, il avait dit espérer être «la dernière victime de l'inquisition intellectuelle en Chine». Un texte —traduit en intégralité et diffusé sur Rue89, dans lequel il applaudissait aux progrès considérables accomplis par la Chine depuis la fin de l'ère maoïste tout en soulignant «les lacunes en termes d'état de droit et de respect des valeurs universelles auxquelles il proclame son attachement».
Enseignant à l'Université normale de Pékin, Liu Xiaobo avait participé au mouvement démocratique du printemps 1989, réprimé dans le sang en juillet. Arrêté, il passera un an et demi en prison sans jamais avoir été condamné; exclu de l'université, il deviendra un des animateurs du Centre indépendant Pen Chine, un regroupement d'écrivains, détaille le Monde.
La remise de ce Nobel de la paix est un camouflet pour la Chine qui avait tenté de faire pression sur le comité norvégien. Le directeur de l'Institut Nobel, Geir Lundestad, avait affirmé qu'un vice-ministre chinois, Fu Yi, l'avait mis en garde, lors d'un entretien cet été, contre les conséquences de l'attribution du prix 2010 à Liu Xiaobo, rappelait l’AFP: «Une telle décision mettrait les relations entre la Chine et la Norvège sur de mauvais rails. Ce serait un acte inamical.»
Mais il n’y avait pas que Pékin qui était défavorable à cette éventuelle remise de prix. Quatorze dissidents chinois ont ainsi estimé que décerner le Nobel à Liu n’était pas «souhaitable» parce que qu’ils estimaient que l'ancien professeur n’avait pas adopté une ligne assez dure face au Parti communiste chinois. Dans une lettre publiée par le New York Times, les signataires accusaient Liu de «calomnier d'autres militants, d’abandonner des membres persécutés du mouvement spirituel Falun Gong et de faire preuve d’indulgence face aux dirigeants chinois». Une concurrence entre dissidents? Selon le Times, cette lettre est symptomatique de la «communauté des dissidents chinois» à travers le monde, un «groupe divisé par les querelles internes et les revendications concurrentes».
Ce Nobel changera-t-il la donne en Chine? Non, estime Yi Xu, un professeur de linguistique à Londres qui a traduit la lettre anti-Liu: «Ecoutez, le dalai-Lama a eu le Nobel de la paix [en 1989, ndlr] et la Chine n'a pas bougé.»
La cérémonie d'annonce était visible depuis la Chine, et selon le site ChinaGeeks qui a traduit plusieurs réactions, «les utilisateurs chinois de de Twitter étaient d'humeur plutôt festive».
[A regarder sur le site d'Arte, un entretien avec Liu Xiaobo]