Au bord du Rhône, le temps suspendu
France

Au bord du Rhône, le temps suspendu

Bertrand Stofleth a suivi le Rhône depuis sa source jusqu'à la méditerranée. Plus que le fleuve lui-même, ce photographe donne à voir un territoire et sa réappropriation. «J'y ai découvert des types de paysages et des rapports aux lieux très différents. Le Rhône est un fleuve travaillé par et pour l’homme qui n’a plus plus grand chose de sauvage mais qui, a contrario de la domestication de ce territoire, conserve un fort pouvoir d'attraction.»

 

Il photographie à la chambre, «pour avoir un accès aux détails du paysage», du haut d'une nacelle montée sur un camion «afin de mieux étager les plans pour donner à lire un territoire»«Je m'étais imposé cette contrainte de rendre compte à la fois de la nature du fleuve, de son aménagement mais aussi des enjeux des personnes vivant autour de ce lieu. Il fallait donc que je prenne ce petit recul pour intégrer les trois éléments.»

 

Son livre intitulé Rhodanie sera publié chez Actes Sud mi-octobre. La galerie le Bleu du ciel, à Lyon, exposera ses clichés du 19 novembre au 16 janvier.

Alpes, massif du Saint-Gothard, glacier du Rhône, 2013 | «Le glacier du Rhône situé sur le Mont-Gothard, en Suisse, appelle le fantasme d’une nature originelle et sauvage. On est à la source d’un fleuve, pourtant cet endroit est déjà complètement domestiqué. L’aspect touristique y est évident. Cet explorateur avec un chapeau, un sac à dos et une valise à roulette en dit long sur la capacité d’accès à ce site. C’était un Américain qui faisait la tournée des glaciers pour collecter des cailloux et les revendre aux États-Unis. Ce personnage incongru me rappelait la peinture romantique. Tout le long du fleuve, il y a cette force d’attraction qui provoque une forme de rêverie, un état contemplatif. Même si le lieu perd, à mesure de son exploitation, son caractère naturel "sauvage" qui pousserait une personne à aller contempler un territoire, il garde néanmoins un fort pouvoir d’attraction. Cette idée un peu mélancolique de contempler la force des éléments naturels à l’œuvre.»
Bertrand Stofleth

Alpes, massif du Saint-Gothard, glacier du Rhône, 2013 | «Le glacier du Rhône situé sur le Mont-Gothard, en Suisse, appelle le fantasme d’une nature originelle et sauvage. On est à la source d’un fleuve, pourtant cet endroit est déjà complètement domestiqué. L’aspect touristique y est évident. Cet explorateur avec un chapeau, un sac à dos et une valise à roulette en dit long sur la capacité d’accès à ce site. C’était un Américain qui faisait la tournée des glaciers pour collecter des cailloux et les revendre aux États-Unis. Ce personnage incongru me rappelait la peinture romantique. Tout le long du fleuve, il y a cette force d’attraction qui provoque une forme de rêverie, un état contemplatif. Même si le lieu perd, à mesure de son exploitation, son caractère naturel "sauvage" qui pousserait une personne à aller contempler un territoire, il garde néanmoins un fort pouvoir d’attraction. Cette idée un peu mélancolique de contempler la force des éléments naturels à l’œuvre.»

Villeneuve, lac Léman, piscine communale Les Marines, 2013 | «Nous sommes ici encore en Suisse. Ce qui est intéressant, c’est qu’à cet endroit, le fleuve devient un lac et tout l’espace y est ici organisé pour le loisir: la piscine de plein air, ces petits terrains en gazon pour s’allonger avec sa serviette de bain, des tables et les parasols de buvette aux couleurs surranées, un bar... Au loin se dessine le début de la ville de Montreux et au-dessus l’autouroute à quatre voies qui fait le tour du lac.»
Bertrand Stofleth

Villeneuve, lac Léman, piscine communale Les Marines, 2013«Nous sommes ici encore en Suisse. Ce qui est intéressant, c’est qu’à cet endroit, le fleuve devient un lac et tout l’espace y est ici organisé pour le loisir: la piscine de plein air, ces petits terrains en gazon pour s’allonger avec sa serviette de bain, des tables et les parasols de buvette aux couleurs surranées, un bar... Au loin se dessine le début de la ville de Montreux et au-dessus l’autouroute à quatre voies qui fait le tour du lac.»

Ancône, lône de l’Homme d’Arme, digues de la CNR (Compagnie nationale du Rhône) et centrale nucléaire de Cruas-Meysse, 2007 | «Il s’agit au premier plan d’une lône (un bras secondaire du fleuve qui reste en retrait du lit principal) sur laquelle se jouent à la fois une activité de loisir contemporain, le jet-ski, et une autre, plus classique, l’équitation. Plus en retrait, on voit la digue du contre-canal de derivation du Rhône (le niveau du Rhône est en effet plus haut que les terres environnantes à cet endroit) et encore plus au loin se dessine la centrale nucléaire de Cruas. Ce tuilage d’activités traduit bien à quel point ce territoire est aménagé. Une étrange tranquilité se dégage de cette scène qui naît probablement du contraste entre l’oisiveté et insouciance des loisirs spontannés d’appropriation de la lône et la présence sourde et plus inquiétante du fleuve surélevé et de la centrale nucléaire au lointain.»
Bertrand Stofleth

Ancône, lône de l’Homme d’Arme, digues de la CNR (Compagnie nationale du Rhône) et centrale nucléaire de Cruas-Meysse, 2007«Il s’agit au premier plan d’une lône (un bras secondaire du fleuve qui reste en retrait du lit principal) sur laquelle se jouent à la fois une activité de loisir contemporain, le jet-ski, et une autre, plus classique, l’équitation. Plus en retrait, on voit la digue du contre-canal de derivation du Rhône (le niveau du Rhône est en effet plus haut que les terres environnantes à cet endroit) et encore plus au loin se dessine la centrale nucléaire de Cruas. Ce tuilage d’activités traduit bien à quel point ce territoire est aménagé. Une étrange tranquilité se dégage de cette scène qui naît probablement du contraste entre l’oisiveté et insouciance des loisirs spontannés d’appropriation de la lône et la présence sourde et plus inquiétante du fleuve surélevé et de la centrale nucléaire au lointain.»

Valence, port de plaisance de l’Épervière, 2007 | «Un groupe de rock cherchait un visuel pour la photo de leur album. Comme c’était un groupe d’heavy metal, ils ont cherché à prendre une iconographie et une posture "à l’américaine". On peut en effet ici difficilement  savoir où cette image à été prise. Ce territoire a un côté générique: son petit port de plaisance, ses yachts en cale sèche…»
Bertrand Stofleth

Valence, port de plaisance de l’Épervière, 2007«Un groupe de rock cherchait un visuel pour la photo de leur album. Comme c’était un groupe d’heavy metal, ils ont cherché à prendre une iconographie et une posture "à l’américaine". On peut en effet ici difficilement  savoir où cette image à été prise. Ce territoire a un côté générique: son petit port de plaisance, ses yachts en cale sèche…»

Roquemaure, parc Amazonia, ancienne lône, parc bâti sur l’île de Miémar, 2011 | «Ce petit parc d’attraction était vide en plein été. Selon une géomorphologue, c'est à cet endroit, sur cette ancienne lône, qu’Hannibal serait passé avec ses éléphants. Le parc a des décorations aztèques, d’autres asiatiques, il y a comme une collusion des genres sans vraie logique. Ce parc un peu bricolé, entre l’amateurisme et le business, est un peu à l’image de ces entre-zones que l’on trouve tout le long du fleuve. Un type seul, sous le soleil dur d’un début d’après-midi qui nettoie son parc rajoute également une dose d’étrangeté supplémentaire à cette image.»
Bertrand Stofleth

Roquemaure, parc Amazonia, ancienne lône, parc bâti sur l’île de Miémar, 2011 «Ce petit parc d’attraction était vide en plein été. Selon une géomorphologue, c'est à cet endroit, sur cette ancienne lône, qu’Hannibal serait passé avec ses éléphants. Le parc a des décorations aztèques, d’autres asiatiques, il y a comme une collusion des genres sans vraie logique. Ce parc un peu bricolé, entre l’amateurisme et le business, est un peu à l’image de ces entre-zones que l’on trouve tout le long du fleuve. Un type seul, sous le soleil dur d’un début d’après-midi qui nettoie son parc rajoute également une dose d’étrangeté supplémentaire à cette image.»

Sorgues, île de l’Oiselet, lac de la Lionne, 2011 | «Je voulais avoir des pêcheurs dans ce livre. C’est forcément l’activité première que l’on rencontre au bord d’un fleuve. Il y a quelque chose d’assez touchant dans le fait de prendre une chaise pliante et de rester des heures au même endroit. Le rapport au lieu est donc très intense. La notion de temps y est par consequent un peu différente, assagie, diluée, comme ralentie.»
Bertrand Stofleth

Sorgues, île de l’Oiselet, lac de la Lionne, 2011«Je voulais avoir des pêcheurs dans ce livre. C’est forcément l’activité première que l’on rencontre au bord d’un fleuve. Il y a quelque chose d’assez touchant dans le fait de prendre une chaise pliante et de rester des heures au même endroit. Le rapport au lieu est donc très intense. La notion de temps y est par consequent un peu différente, assagie, diluée, comme ralentie.»

La rivière l’Ain, afluent du Rhône, vers Blyes, 2009 | «On trouve sur l'Ain cette image un peu rêvée d’un fleuve au bord duquel les gens viennent faire un feu et des grillades entre amis. On y creuse ce rapport au sauvage car on vient dans un endroit naturel pour contempler et se délasser. On est ici sur une image presque générique tant elle correspond au fantasme qu’on se fait d’une veillée au bord de l’eau qui pourrait en ce sens correspondre à l’image en rève de tant d’autres fleuves.»
Bertrand Stofleth

La rivière l’Ain, afluent du Rhône, vers Blyes, 2009 | «On trouve sur l'Ain cette image un peu rêvée d’un fleuve au bord duquel les gens viennent faire un feu et des grillades entre amis. On y creuse ce rapport au sauvage car on vient dans un endroit naturel pour contempler et se délasser. On est ici sur une image presque générique tant elle correspond au fantasme qu’on se fait d’une veillée au bord de l’eau qui pourrait en ce sens correspondre à l’image en rève de tant d’autres fleuves.»

Île de la Barthelasse au Nord d’Avignon, parc des Libertés. Bras mort du fleuve à la suite des aménagements hydroélectriques, 2011 | «Nous somme ici en présence d’une partie court-circuitée du fleuve car coupée par la route. Ce bras mort du fleuve se situe au Nord d’Avignon. Ces deux personnages passaient leur journée à discuter en fumant leurs clopes pendant des heures. Il ne se passait absolument rien. J’essaie toujours de trouver, dans mes scènes, ce moment limite, suspendu comme un arrêt sur image d’un film dont on ne sait ni ce qui se passe avant ni ce qui se produira après ce moment. Je recherche dans ce type d’image à traduire cette dose d’étrangeté que les collusions entre lieux et “habitants” peuvent faire jaillir. Ces rencontres font émerger une dimension narrative aux paysages, comme si nous nous trouvions dans un plan-sequence silencieux et contemplatif d’une fiction.»
Bertrand Stofleth

Île de la Barthelasse au Nord d’Avignon, parc des Libertés. Bras mort du fleuve à la suite des aménagements hydroélectriques, 2011 «Nous somme ici en présence d’une partie court-circuitée du fleuve car coupée par la route. Ce bras mort du fleuve se situe au Nord d’Avignon. Ces deux personnages passaient leur journée à discuter en fumant leurs clopes pendant des heures. Il ne se passait absolument rien. J’essaie toujours de trouver, dans mes scènes, ce moment limite, suspendu comme un arrêt sur image d’un film dont on ne sait ni ce qui se passe avant ni ce qui se produira après ce moment. Je recherche dans ce type d’image à traduire cette dose d’étrangeté que les collusions entre lieux et “habitants” peuvent faire jaillir. Ces rencontres font émerger une dimension narrative aux paysages, comme si nous nous trouvions dans un plan-sequence silencieux et contemplatif d’une fiction.»

Sète, arrivée à la mer du canal du Rhône à Sète, 2011 | «Je voulais aussi montrer ce monde en marge, qui vient parfois s’adosser, résider, butter sur les rives de fleuve et qui réinvente un mode d’occupation spontané et sauvage du territoire. Que ce soit dans des cabanons en dur ou semi-dur, dans les logements de fortune, dans un vieux camion Mercedes habité par des punks à chiens ou dans des campements de caravanes plus organisés.»
Bertrand Stofleth

Sète, arrivée à la mer du canal du Rhône à Sète, 2011«Je voulais aussi montrer ce monde en marge, qui vient parfois s’adosser, résider, butter sur les rives de fleuve et qui réinvente un mode d’occupation spontané et sauvage du territoire. Que ce soit dans des cabanons en dur ou semi-dur, dans les logements de fortune, dans un vieux camion Mercedes habité par des punks à chiens ou dans des campements de caravanes plus organisés.»

Saintes-Maries-de-la-Mer, lieudit le Reculat, le Petit Rhône, 2011 | «Nous sommes en Camargue, vers les Saintes-Marie-de-la-mer, à la limite de la mer méditerranée, en présence d’un des clichés camarguais éculés. Il s’agit ici d’une manade, c’est un troupeau libre de taureaux, de vaches et de chevaux conduit à cheval par un gardien. Le touriste qui est en quète d’une l’expérience et d’un folklore authentique du lieu se préte au jeu de ce tour organisé. Ainsi le gardien, les touristes et le conducteur du bateau participent de la mise en scène de ce paysage sans être dupes pour autant du caractère reconstitué et artificiel de celui-ci. Chaque personnage crée et entretient ce paysage qui s’organise pour se donner à voir comme l’image que nous souhaitons en conserver.»
Bertrand Stofleth 

Saintes-Maries-de-la-Mer, lieudit le Reculat, le Petit Rhône, 2011«Nous sommes en Camargue, vers les Saintes-Marie-de-la-mer, à la limite de la mer méditerranée, en présence d’un des clichés camarguais éculés. Il s’agit ici d’une manade, c’est un troupeau libre de taureaux, de vaches et de chevaux conduit à cheval par un gardien. Le touriste qui est en quète d’une l’expérience et d’un folklore authentique du lieu se préte au jeu de ce tour organisé. Ainsi le gardien, les touristes et le conducteur du bateau participent de la mise en scène de ce paysage sans être dupes pour autant du caractère reconstitué et artificiel de celui-ci. Chaque personnage crée et entretient ce paysage qui s’organise pour se donner à voir comme l’image que nous souhaitons en conserver.»

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