Lorsque son père s'est suicidé, Mariela Sancari n'a pas pu voir son corps. Elle a alors 14 ans et pense pendant des années tomber sur lui au coin d'une rue. «J'ai ensuite voulu me confronter, par la photographie, à notre fantasme à ma sœur jumelle et moi. Je souhaitais que ce fantasme devienne réalité grâce à une image: à quoi ressemblerait mon père si il était toujours vivant aujourd'hui.» En 2013, elle poste une annonce dans un journal argentin et photographie tous les hommes entre 68 et 72 ans qui se présentent dans son studio. Elle a regroupé son travail dans un très beau livre, Moisés, publié en 2015 chez La Fabrica. L'auteur revient pour Slate.fr par e-mail sur sa démarche.
Mariela Sancari |
Mariela Sancari travaille sur des projets personnels liés à la mémoire et à l'identité depuis plusieurs années. Moises, son dernier livre, lui a permis de questionner la figure du père et de dépasser les doutes qu'elle a longtemps entretenu sur la mort du sien.
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En 2013, elle publie une annonce dans un journal de Buenos Aires stipulant qu'elle recherche des hommes entre 68 et 72 ans, les yeux clairs pour participer à un projet photographique.
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«J'ai d'abord demandé à ce que les traits soient similaires à ceux de mon père puis j'ai réalisé qu'il aurait pu viellir de tant de façons différentes. Alors j'ai décidé de m'en tenir à certains âges et aux yeux clairs car peu importe ce qui aurait pu lui arriver, ils seraient restés.»
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«Lorsqu'une personne me contactait après avoir lu l'annonce, je lui donnais rendez-vous dans mon studio et je lui demandais de venir en habits de tous les jours.»
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«J'ai ensuite décidé d'instaurer quelques règles simples: je photographierai tous les hommes dans les mêmes positions, avec le même arrière plan, chacun avec ses propres vêtements et le gilet en laine de mon père.»
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«Je prenais une première image face à l'appareil photo, puis de côté... Au total je prenais une image de face, une de profil, une de dos et une de trois quart pour chacun d'entre eux.»
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«Je ne sais pas vraiment pourquoi ils acceptaient... Pour différentes raisons. Je les payais et c'était sûrement la première raison, mais je pense aussi qu'ils avaient besoin de parler et de faire face à leur solitude en quelque sorte.»
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«La plupart d'entres eux me parlaient de leurs filles. Je pense que dans la majorité des cas elles devaient avoir mon âge.»
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«Cette expérience, dans sa totalité a été un processus d'apprentissage intense.»
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