L'Irak s'embrase après une recrudescence des violences dans le sud du pays. Face à l'absence de réformes, le mouvement de contestation entamé le 1er octobre s'est durci, notamment dans la ville de Nadjaf qui a été mise à feu et à sang dans la nuit du mercredi 27 novembre. Ces débordement violents, ponctués par l'incendie du consulat iranien, sont parmi les plus meurtriers depuis le début des manifestations, où des milliers d'Irakien·nes réclament le départ de l'ensemble de la classe politique, inchangée depuis des années et jugée corrompue. Cet événement a, entre autres, entraîné la démission du Premier ministre Adel Abdel Mahdi, annoncée par communiqué ce vendredi 29 novembre.
Drapeau national dans la main gauche, une jeune fille irakienne crie lors d'une manifestation devant le port d'Umm Qasr. Les manifestant·es appellent depuis le début du mouvement au renouvellement du système et de la classe dirigeante. En Irak, un·e habitant·e sur cinq vit sous le seuil de pauvreté et 410 milliards d’euros ont été détournés au cours de ces seize dernières années, soit deux fois le PIB. Les protestataires s’en prennent également au voisin iranien, soupçonné de tirer les ficelles en Irak.
Le 31 octobre 2019, des manifestant·es irakien·nes se rassemblent sur le pont al-Jumhuriya, qui mène à la zone verte hautement sécurisée de Bagdad, où sont rassemblées les principales instances du pouvoir. Ces manifestations spontanées inédites, les premières depuis l’invasion américaine et le renversement de Saddam Hussein en 2003, ont pris de l’ampleur au début du mois de novembre.
Un jeune Irakien conduit sa bicyclette à travers des pneus en feu dans la ville de Karbala, au sud de Bagdad. La jeune génération, principalement chiite, est le véritable moteur de ces manifestations. «L’impatience des Irakiens, en particulier de la jeunesse, face à la corruption et à l’inefficacité de la classe politique, a atteint le niveau du point de rupture», estime l’écrivain irakien Sinan Antoon, lauréat du Prix de la littérature arabe 2017, dans un entretien accordé au journal Le Monde. «Ce mouvement d’octobre ne serait jamais arrivé sans ces jeunes prêts à sacrifier leur vie.»
Un groupe d’Irakiens transporte un manifestant blessé après avoir été frappé par une cartouche de gaz lacrymogène, lors d'affrontements avec les forces de sécurité dans la capitale, le 15 novembre 2019. D’abord relativement pacifique, le mouvement s’est durci face à la violente répression des forces de l’ordre et s’est propagé de Bagdad aux régions chiites du sud du pays.
Un manifestant montre les balles utilisées par les forces de l'ordre irakiennes lors d'affrontements. Le gouvernement du Premier ministre Adel Abdel-Mehdi tente de mettre fin aux manifestations avec des tirs à balles réelles et des armes automatiques. Avant les dernières échauffourées du 27 novembre, on recensait près de 350 morts et 15.000 blessés depuis le début du mouvement.
Pour riposter, un manifestant utilise un lance-pierre attaché à une voiture tuk-tuk lors d'affrontements avec les forces de sécurité, dans la rue al-Rasheed à Bagdad, le 26 novembre 2019. Ces tuk-tuk jouent un rôle inattendu dans la révolte populaire, faisant office de camion de ravitaillement, d’ambulance et, comme ici, d’arme de combat.
Après avoir tenté de disperser la foule avec des gaz lacrymogènes, les forces de sécurité se sont retirées du consulat iranien de la ville sainte de Nadjaf, laissant les manifestant·es mettre le feu au bâtiment. Sous les cris de «l’Iran dehors!», l’édifice a brûlé toute la nuit du mercredi 27 novembre. À l'aube, les tirs et les courses-poursuites entre protestataires et forces de l’ordre se sont multipliées, de Bagdad à Nassiria en passant par Nadjaf.
Le 28 novembre, les Irakien·nes comptent leurs morts. Ils sont nombreux à braver le couvre-feu pour enterrer leurs proches à Nadjaf, ville symbolique pour les chiites. La répression policière a causé la mort de 45 protestataires durant ces jours sanglants, portant le total des victimes à plus de 390 Irakien·nes. Réagissant à l’annonce de ce bilan macabre, l’ayatollah Ali Al-Sistani, vénéré par des millions de chiites dans le monde, a réitéré le vendredi 29 novembre son soutien aux manifestant·es, appelant la classe politique à agir. Quelques heures plus tard, le Premier ministre irakien Adel Abdel Mahdi annonçait sa démission.