«Les filles de Dieu»: au sein de la communauté trans de Pondichéry
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«Les filles de Dieu»: au sein de la communauté trans de Pondichéry

On les appelle «Thirunangai», ce qui, en tamoul, signifie les «filles de Dieu». L'Inde reconnaît l'existence d'un troisième genre depuis 2014, mais le quotidien de ces personnes est difficile. Rejetées par leurs propres familles, souvent battues, violées et exclues du marché du travail, elles survivent grâce à la mendicité, à la prostitution et aux liens de solidarité qui unissent leur communauté. La religion hindoue leur prête des pouvoirs de bénédiction, de guérison et de fertilité. À la fois craintes et vénérées, les «filles de Dieu» occupent une posture paradoxale.

«Donne-moi un peu d'argent, tu seras béni!»: Savitha, Sangeena et Sathana ne passent pas inaperçues lorsqu'elles interpellent les passants dans les rues animées de Pondichéry. À leur rencontre, certains hommes détournent le regard, d'autres s'approchent pour leur glisser un billet dans les mains.

À chaque sortie dans les grandes villes du Tamil Nadu, on rencontre dans les rues des femmes trans qui mendient et bénissent les passants, dans l'espoir d'obtenir de la petite monnaie. Plus grandes et plus provocantes que les autres silhouettes en sari, on les appelle les «Thirunangai». Dans le sud de l'Inde, c'est ainsi que sont désignées les personnes qui ont été assignées au genre masculin, dans lequel elles ne se reconnaissent pas, et qui sont plus connues sous le nom d'«Hijras» dans le nord du pays.
Pondichéry (Inde), octobre 2021. | Jennifer Carlos

«Donne-moi un peu d'argent, tu seras béni!»: Savitha, Sangeena et Sathana ne passent pas inaperçues lorsqu'elles interpellent les passants dans les rues animées de Pondichéry. À leur rencontre, certains hommes détournent le regard, d'autres s'approchent pour leur glisser un billet dans les mains.

À chaque sortie dans les grandes villes du Tamil Nadu, on rencontre dans les rues des femmes trans qui mendient et bénissent les passants, dans l'espoir d'obtenir de la petite monnaie. Plus grandes et plus provocantes que les autres silhouettes en sari, on les appelle les «Thirunangai». Dans le sud de l'Inde, c'est ainsi que sont désignées les personnes qui ont été assignées au genre masculin, dans lequel elles ne se reconnaissent pas, et qui sont plus connues sous le nom d'«Hijras» dans le nord du pays.

Savitha, 30 ans, n'a jamais réussi à trouver de travail, malgré son diplôme de technicienne d'analyses médicales. «Même si tu ne travailles pas, tu es belle et si tu peux satisfaire mes besoins, ça suffira», lui a dit le chef d'un laboratoire lors d'un entretien d'embauche. Elle mendie quotidiennement dans les rues de Pondichéry depuis ses 18 ans. Cela lui apporte «environ 300 à 500 roupies par jour» (entre 4 et 6 euros).

Savitha a tenté à plusieurs reprises de trouver un emploi, mais ses nombreuses tentatives ont échoué. Son cas n'est pas isolé. Souvent diplômées, les Thirunangai ne peuvent faire valoir leurs compétences professionnelles. Les employeurs ont peur qu'elles portent préjudice à leur société. Elles ne s'en sortent pas, et comme elles sont souvent violentées depuis l'enfance, pour leur sécurité, elles doivent rejoindre des communautés et n'ont pas d'autre choix que de mendier et de se prostituer.

La société leur octroie une position dont il est quasi impossible de sortir. Ce sont les colons britanniques qui en ont fait des parias. L'article 377 du Code pénal indien, criminalisant les rapports charnels volontaires «contre nature» et les classant comme «une tribu criminelle», est resté en vigueur jusqu'en 2018.
Pondichéry, octobre 2021. | Jennifer Carlos

Savitha, 30 ans, n'a jamais réussi à trouver de travail, malgré son diplôme de technicienne d'analyses médicales. «Même si tu ne travailles pas, tu es belle et si tu peux satisfaire mes besoins, ça suffira», lui a dit le chef d'un laboratoire lors d'un entretien d'embauche. Elle mendie quotidiennement dans les rues de Pondichéry depuis ses 18 ans. Cela lui apporte «environ 300 à 500 roupies par jour» (entre 4 et 6 euros).

Savitha a tenté à plusieurs reprises de trouver un emploi, mais ses nombreuses tentatives ont échoué. Son cas n'est pas isolé. Souvent diplômées, les Thirunangai ne peuvent faire valoir leurs compétences professionnelles. Les employeurs ont peur qu'elles portent préjudice à leur société. Elles ne s'en sortent pas, et comme elles sont souvent violentées depuis l'enfance, pour leur sécurité, elles doivent rejoindre des communautés et n'ont pas d'autre choix que de mendier et de se prostituer.

La société leur octroie une position dont il est quasi impossible de sortir. Ce sont les colons britanniques qui en ont fait des parias. L'article 377 du Code pénal indien, criminalisant les rapports charnels volontaires «contre nature» et les classant comme «une tribu criminelle», est resté en vigueur jusqu'en 2018.

D'après la religion hindoue, les personnes trans sont les descendantes de la déesse de la fertilité Bahuchara Mata.

La communauté est à la fois rejetée et respectée pour son pouvoir de bénir, appelé «shirvan». Celui-ci s'obtient grâce au choix de privilégier la vie spirituelle plutôt que sexuelle, qui peut passer par l'émasculation. Ce rituel, appelé «nirvan», fait référence au «nirvana», qui signifie l'absence de désir et la sérénité. Ainsi, bien que marginalisées, les Thirunangai ont un fort impact dans l'imaginaire culturel.

Thirunangai et Hijras font ainsi face à un paradoxe chargé de fascination, entre pureté divine et impureté, car elles vivent de la prostitution et de la mendicité.
Savitha bénit un homme le long de la plage, en échange de 15 roupies (20 centimes d'euro). Pondichéry, octobre 2021. | Jennifer Carlos

D'après la religion hindoue, les personnes trans sont les descendantes de la déesse de la fertilité Bahuchara Mata.

La communauté est à la fois rejetée et respectée pour son pouvoir de bénir, appelé «shirvan». Celui-ci s'obtient grâce au choix de privilégier la vie spirituelle plutôt que sexuelle, qui peut passer par l'émasculation. Ce rituel, appelé «nirvan», fait référence au «nirvana», qui signifie l'absence de désir et la sérénité. Ainsi, bien que marginalisées, les Thirunangai ont un fort impact dans l'imaginaire culturel.

Thirunangai et Hijras font ainsi face à un paradoxe chargé de fascination, entre pureté divine et impureté, car elles vivent de la prostitution et de la mendicité.

Ariyankuppam jouxte la ville de Pondichéry, au sud. Savitha montre son certificat de personne trans. Daté de 2016, il officialise la transition de Monsieur Balamurugan vers une femme trans, prenant le prénom de Savitha. Il permet d'obtenir une carte électorale et une carte d'identité.

En avril 2014, la Cour suprême indienne a officiellement reconnu l'existence d'un troisième genre, ni masculin ni féminin, au profit d'une population trans qui comprend entre 500.000 et 1 million de personnes. Mais, «à part le fait d'obtenir un nouveau nom sur le plan administratif, [elle] n'[a] aucun droit, ne peu[t] ni travailler ni être respectée en tant qu'être humain».
Ariyankuppam, novembre 2021. | Jennifer Carlos

Ariyankuppam jouxte la ville de Pondichéry, au sud. Savitha montre son certificat de personne trans. Daté de 2016, il officialise la transition de Monsieur Balamurugan vers une femme trans, prenant le prénom de Savitha. Il permet d'obtenir une carte électorale et une carte d'identité.

En avril 2014, la Cour suprême indienne a officiellement reconnu l'existence d'un troisième genre, ni masculin ni féminin, au profit d'une population trans qui comprend entre 500.000 et 1 million de personnes. Mais, «à part le fait d'obtenir un nouveau nom sur le plan administratif, [elle] n'[a] aucun droit, ne peu[t] ni travailler ni être respectée en tant qu'être humain».

À la tête de la communauté locale, Seethal, 45 ans (au premier plan) demande à chacune des participantes d'amener un sari neuf et 3.500 roupies (environ 42 euros). Pendant la soirée, les participantes dansent en jetant en l'air une partie de l'argent cotisé pour les «newborn babies», comme les nomme la communauté.

Seethal a commencé à se poser des questions sur son identité pendant ses études à l'université. Perdue, elle a alors pris rendez-vous chez un médecin afin d'obtenir des réponses. Celui-ci a prétexté vouloir l'ausculter et l'a violée. Plus tard, quand elle se décide enfin à parler à sa famille de son identité trans, ses parents tentent de la brûler en l'aspergeant d'essence. Elle réussit à prendre la fuite à temps.

Certaines familles préfèrent rester dans le déni et dans le silence, faisant ainsi porter à leur enfant le poids d'être «anormal». Pour l'avenir, Seethal espère que le changement passera d'abord par la famille: «Ils doivent nous accepter, car on ne leur appartient pas, notre corps nous appartient.» La majorité des adolescents qui se posent des questions sur leur identité s'enfuient de leur famille et se retrouvent à la rue. Il faut ainsi construire sa nouvelle identité, sachant qu'en Inde l'identité individuelle repose sur la structure familiale, ainsi que l'institution du mariage.

Après ses études, Seethal a réalisé rapidement l'étendue des abus envers les membres de la communauté LGBT+. Un soir, après avoir assisté à l'agression d'une prostituée trans par deux clients qui refusaient de payer, elle comprit qu'il y avait d'autres personnes LGBT+ à Pondichéry et qu'elles n'avaient personne vers qui se tourner pour se protéger. En conséquence, Sheethal a commencé à organiser avec son association SCHOD (Sahodaran community oriented health development) des discussions de groupe, dans des endroits sûrs, créant ainsi un lieu privé et sécurisé pour des personnes comme elle.
Cérémonie du nirvan célébrant la vaginoplastie de onze membres de la communauté, en octobre 2021 à Pondichéry. | Jennifer Carlos

À la tête de la communauté locale, Seethal, 45 ans (au premier plan) demande à chacune des participantes d'amener un sari neuf et 3.500 roupies (environ 42 euros). Pendant la soirée, les participantes dansent en jetant en l'air une partie de l'argent cotisé pour les «newborn babies», comme les nomme la communauté.

Seethal a commencé à se poser des questions sur son identité pendant ses études à l'université. Perdue, elle a alors pris rendez-vous chez un médecin afin d'obtenir des réponses. Celui-ci a prétexté vouloir l'ausculter et l'a violée. Plus tard, quand elle se décide enfin à parler à sa famille de son identité trans, ses parents tentent de la brûler en l'aspergeant d'essence. Elle réussit à prendre la fuite à temps.

Certaines familles préfèrent rester dans le déni et dans le silence, faisant ainsi porter à leur enfant le poids d'être «anormal». Pour l'avenir, Seethal espère que le changement passera d'abord par la famille: «Ils doivent nous accepter, car on ne leur appartient pas, notre corps nous appartient.» La majorité des adolescents qui se posent des questions sur leur identité s'enfuient de leur famille et se retrouvent à la rue. Il faut ainsi construire sa nouvelle identité, sachant qu'en Inde l'identité individuelle repose sur la structure familiale, ainsi que l'institution du mariage.

Après ses études, Seethal a réalisé rapidement l'étendue des abus envers les membres de la communauté LGBT+. Un soir, après avoir assisté à l'agression d'une prostituée trans par deux clients qui refusaient de payer, elle comprit qu'il y avait d'autres personnes LGBT+ à Pondichéry et qu'elles n'avaient personne vers qui se tourner pour se protéger. En conséquence, Sheethal a commencé à organiser avec son association SCHOD (Sahodaran community oriented health development) des discussions de groupe, dans des endroits sûrs, créant ainsi un lieu privé et sécurisé pour des personnes comme elle.

Le nirvan est l'un des rituels les plus importants dans la vie d'une Thirunangai. Les Thirunangai hindoues disent que si elles naissent avec une âme féminine dans un corps masculin, la déesse Bahuchara vient dans leurs rêves et leur demande de s'émasculer et de devenir Thirunangai, ou elles naîtront comme cela pour le restant de leurs sept vies. Le nirvan est considéré comme une renaissance.

Avant de réaliser sa vaginoplastie, Geetha a subi un mariage forcé, et a eu une femme et un fils.
Geetha, 35 ans, se montre enfin dans sa tenue de femme pendant le nirvan. Pondichéry, octobre 2021. | Jennifer Carlos

Le nirvan est l'un des rituels les plus importants dans la vie d'une Thirunangai. Les Thirunangai hindoues disent que si elles naissent avec une âme féminine dans un corps masculin, la déesse Bahuchara vient dans leurs rêves et leur demande de s'émasculer et de devenir Thirunangai, ou elles naîtront comme cela pour le restant de leurs sept vies. Le nirvan est considéré comme une renaissance.

Avant de réaliser sa vaginoplastie, Geetha a subi un mariage forcé, et a eu une femme et un fils.

La prostitution est illégale mais la corruption policière reste importante et prend différentes formes pour ces travailleuses du sexe, notamment des pots-de-vin.

La Cour suprême a déclaré que les personnes trans devaient être traitées comme une troisième catégorie de genre ayant des droits spécifiques en matière d'accès à l'éducation et à l'emploi.

En 2017, une autre décision de la Cour affirmait que le droit à la vie privée était un droit fondamental et que les orientations sexuelles de tout individu devaient être confidentielles. De quoi s'opposer à la discrimination socio-économique dont souffrent les trans, en particulier dans le recours aux soins. Malgré ces avancées, leur quotidien ne change pas et elles ne peuvent pas toujours se plaindre auprès des autorités indiennes corrompues.
Âgée de 27 ans, Rossi se prostitue le long de l'avenue Semmandalam-Kurinjipadi. Ariyankuppam, décembre 2021. | Jennifer Carlos

La prostitution est illégale mais la corruption policière reste importante et prend différentes formes pour ces travailleuses du sexe, notamment des pots-de-vin.

La Cour suprême a déclaré que les personnes trans devaient être traitées comme une troisième catégorie de genre ayant des droits spécifiques en matière d'accès à l'éducation et à l'emploi.

En 2017, une autre décision de la Cour affirmait que le droit à la vie privée était un droit fondamental et que les orientations sexuelles de tout individu devaient être confidentielles. De quoi s'opposer à la discrimination socio-économique dont souffrent les trans, en particulier dans le recours aux soins. Malgré ces avancées, leur quotidien ne change pas et elles ne peuvent pas toujours se plaindre auprès des autorités indiennes corrompues.

Savitha a suivi ce client régulier jusqu'à Madukkarai, à environ 400 kilomètres à l'ouest de Pondichéry: «Il me traite bien, il est gentil avec moi, alors je lui fais payer moins cher quand j'ai besoin d'argent rapidement.» Cette fois-ci, elle ne lui demande que 300 roupies (4 euros), largement en dessous de son tarif habituel de 1.500 roupies (18 euros) par client.

Pour les femmes trans, il est rare de construire une vie sentimentale satisfaisante, car elles sont associées à des objets sexuels. Les femmes vivant de la prostitution sont encore plus victimes de violences graves dans les lieux publics, dans les postes de police, dans les prisons, mais aussi à leur domicile.
Madukkarai, décembre 2021. | Jennifer Carlos

Savitha a suivi ce client régulier jusqu'à Madukkarai, à environ 400 kilomètres à l'ouest de Pondichéry: «Il me traite bien, il est gentil avec moi, alors je lui fais payer moins cher quand j'ai besoin d'argent rapidement.» Cette fois-ci, elle ne lui demande que 300 roupies (4 euros), largement en dessous de son tarif habituel de 1.500 roupies (18 euros) par client.

Pour les femmes trans, il est rare de construire une vie sentimentale satisfaisante, car elles sont associées à des objets sexuels. Les femmes vivant de la prostitution sont encore plus victimes de violences graves dans les lieux publics, dans les postes de police, dans les prisons, mais aussi à leur domicile.

On estime que 70% des trans en Inde sont des travailleuses du sexe. Le sida fait des ravages. Le taux d'infection au VIH serait 100 fois plus important dans cette population que dans la moyenne nationale.
Srija reçoit un client qui vient la voir «deux à trois fois par mois» dans sa chambre. Cuddalore, février 2022. | Jennifer Carlos

On estime que 70% des trans en Inde sont des travailleuses du sexe. Le sida fait des ravages. Le taux d'infection au VIH serait 100 fois plus important dans cette population que dans la moyenne nationale.

Savitha rêve changer de vie et d'arrêter la prostitution. «Mon désir le plus cher est que les gens arrêtent d'avoir peur des personnes trans: après tout, j'étais un homme et je suis devenue une femme alors je peux comprendre les deux, j'ai aussi des sentiments. Je veux qu'on arrête de nous voir comme des malades mentaux et des animaux, car on ne répond pas à la norme de genre existant ici. Je veux qu'on comprenne que nous sommes des individus qui aspirent comme tout le monde à vivre leur vie et à être autonomes.»

Pour beaucoup de Thirunangai, être obligées de vivre en communauté n'est pas toujours satisfaisant. Elles sont prises en étau entre les tabous, les étiquettes et leur propre désir. Elles doivent souvent vivre avec de forts traumas, propres à chaque histoire de femme trans, mais elles développent une résilience qui leur permet de garder espoir et de lutter au quotidien.
Ariyankuppam, novembre 2021. | Jennifer Carlos

Savitha rêve changer de vie et d'arrêter la prostitution. «Mon désir le plus cher est que les gens arrêtent d'avoir peur des personnes trans: après tout, j'étais un homme et je suis devenue une femme alors je peux comprendre les deux, j'ai aussi des sentiments. Je veux qu'on arrête de nous voir comme des malades mentaux et des animaux, car on ne répond pas à la norme de genre existant ici. Je veux qu'on comprenne que nous sommes des individus qui aspirent comme tout le monde à vivre leur vie et à être autonomes.»

Pour beaucoup de Thirunangai, être obligées de vivre en communauté n'est pas toujours satisfaisant. Elles sont prises en étau entre les tabous, les étiquettes et leur propre désir. Elles doivent souvent vivre avec de forts traumas, propres à chaque histoire de femme trans, mais elles développent une résilience qui leur permet de garder espoir et de lutter au quotidien.

Jennifer Carlos

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