Morgan a la vingtaine, elle est comédienne. Elle vit à Paris, puis à Berlin, elle fait des rencontres, prend son envol. Elle se sent libre.
Pourtant, quelque chose cloche, et depuis longtemps. Ce malaise quotidien, banal, toutes les femmes le connaissent: leur corps est sans cesse une affaire publique.
L'histoire de Morgan nous donne à voir les discours ambivalents qui revendiquent la liberté des femmes tout en les mettant en permanence sous pression.
Dans la bande dessinée «Corps public» de Mathilde Ramadier et Camille Ulrich, qui sort le 4 février aux Éditions du Faubourg, nous suivons Morgan dans sa vie de jeune femme qui, de la puberté à la maternité, essaie de faire exister son corps et ses désirs le plus loin possible des injonctions de la société. Slate publie en exclusivité quelques extraits.
Début des années 2000. Morgan a 12 ans. Comme pour de nombreuses femmes, l'entrée dans la puberté est marquée par la première visite chez un·e gynécologue. Un passage obligé, souvent redouté des adolescentes, où l'on a peur de ce qu'on va nous faire, où il est question de contraception avant l'heure, où l'on ne sent pas d'aborder les bonnes questions, celles qui serviraient à prendre conscience de son corps pour avoir confiance en lui et s'épanouir plus tard dans sa sexualité.
Morgan a 20 ans. Elle vit à Paris, où elle prend des cours de théâtre. Malgré l'autoritarisme sexiste de son professeur, elle vit sa passion et s'émancipe. Entre ses répétitions et son job d'ouvreuse, elle passe du temps avec son copain, qui aimerait bien prendre certaines décisions à sa place.
Dans Corps public, on parle aussi de sexe, plus ou moins bon. Morgan fait l'expérience de ces amants d'un soir qui ont une image d'eux-mêmes légèrement... déformée.
Quelques années plus tard, Morgan a rencontré Pierre. Sa carrière de comédienne l'a menée à Berlin, où elle connaît un joli succès. Pierre l'écoute et l'accompagne dans ses désirs, y compris celui de devenir mère. Pourtant, elle sait que maternité ne rime pas forcément avec liberté, et qu'il lui faudra faire quelques compromis. Elle questionne ce devenir-mère qui la ballotte tour à tour entre doutes, angoisses et grands moments de complicité avec celui qu'elle aime.
Quelques mois passent et Morgan est enceinte. Plus que jamais, son corps est une affaire publique. Elle en fait l'expérience un peu partout, avec des mains baladeuses dans les rayons du supermarché, auprès de certain·es soignant·es qui décident de tout à sa place, chez sa belle-mère qui monologue sur son propre accouchement...
Et puis Justin arrive dans leur vie. Les semaines qui suivent l'accouchement sont violentes. Épuisée, Morgan apprend à faire face, le corps meurtri, l'esprit absent, encore sous le choc de la vie. Et ce ne sont ni les visites de la famille, ni l'absence de son compagnon qui vont l'aider à s'en remettre...
La rencontre avec Justin est un bouleversement. Pour Morgan, ce nouvel amour se construit vite. Elle aimerait pouvoir se jeter à cœur ouvert dans cette osmose mais, une fois de plus, les contingences du quotidien, les attentes de la société, déconnectées de sa réalité à elle, l'attendent au tournant.

