France / Politique

L'extrême droite municipale, ce n'est pas que le Front national

Temps de lecture : 4 min

D’autres listes étaient présentées et/ou soutenues par la Ligue du sud de Jacques Bompard, le Parti de la France de Carl Lang et par Yvan Benedetti et Alexandre Gabriac, respectivement dirigeants de l’œuvre française et des Jeunesses nationalistes, dissoutes par le gouvernement en juillet 2013.

Militants d''extrême droite à Lyon en 2011. REUTERS/Robert Pratta
Militants d''extrême droite à Lyon en 2011. REUTERS/Robert Pratta

Scruter les résultats obtenus par les petites formations, c’est d’abord constater que quelques dizaines de conseillers municipaux d’extrême droite ont été élus en plus de ceux du FN. C’est ensuite aboutir au constat que, sauf situation locale particulière, le Front national est aujourd’hui en position hégémonique à la droite extrême du spectre politique: selon un schéma constant en Europe et déjà vérifié après la scission mégrétiste de 1998, il ne peut demeurer qu’un seul parti sur ce créneau, généralement celui qui possède à la fois le dirigeant le plus charismatique et la plus grande capacité d’adaptation idéologique aux normes de ce système même qu’il conteste.

Cependant, tout ce qui se situe hors du FN à l’extrême droite n’en est pas l’ennemi. On peut ainsi distinguer une mouvance identitaire, composée du Bloc identitaire et de la Ligue du sud qui évolue à la périphérie du FN et interagit avec lui et une droite nationaliste radicale qui semble avoir coupé les ponts de manière définitive, et par sa volonté et par celle de Marine Le Pen. Nous nous intéresserons à cette dernière mouvance.

Les résultats du Parti de la France (PDF)

Fondé en vue des élections européennes de 2009 par des militants frontistes déçus par l’orientation déjà changeante de leur parti, proche de l’hebdomadaire Rivarol, le Parti de la France est dirigé par Carl Lang, ancien secrétaire général et député européen frontiste. Le conseiller régional FN de Bourgogne Rémy Boursot, l’a rejoint le 17 mars dernier mais sa présence dans les instances élues est inexistante.

A l’issue des municipales il revendique 3 élus. A Craon, cité mayennaise de 4.500 habitants où Marine Le Pen avait obtenu 11,26% des voix en 2012 le délégué départemental du PDF, le tailleur de pierre Matthieu Mautin, est élu au conseil municipal dès le premier tour avec 7,72 % des voix.

Sa liste «Tous pour Craon» faisait face à deux listes concurrentes «divers droite». Cet ancien militant FN, très engagé contre le mariage pour tous, anime un blog: http://reactionpopulaire.hautetfort.com.

A Ronchamp (2900 habitants) en Haute-Saône, Christophe Devillers, délégué régional PDF de Franche-Comté, était à la tête de la seule liste de droite présente au premier tour contre deux listes «divers gauche». Le potentiel de la droite radicale est énorme dans cette ancienne cité minière qui avait placé Marine Le Pen en tête avec 32,33% des voix. Or le FN n’avait pas déposé de liste à Ronchamp et celle de Christophe Devillers, dotée d’un intitulé d’intérêt local («Ronchamp espoir, le bon sens») n’a obtenu que 14,6%.

S’étant maintenue au second tour, elle a obtenu un siège mais a encore subi une déperdition de voix (11,26%). Le résultat est difficile à interpréter. D’un côté comme à Craon, l’extrême droite hors FN ne retrouve pas le score de Marine Le Pen, ce qui peut s’expliquer par la différence de nature des scrutins. De l’autre, on constate que la radicalité politique n’interdit pas totalement l’élection, ni même l’enracinement local: aux régionales de 2009, Christophe Devillers, tête de liste aux régionales d’une liste PDF-MNR intitulée « la Ligue Comtoise, NON aux minarets!», n’avait obtenu que 5,02% à Ronchamp, la liste frontiste recueillant 14,73%.

Troisième siège pour le PDF, celui obtenu à Ouzouer-sur-Trézée (1.400 habitants), commune proche de Briare (Loiret) où Alexandre Capy avec sa liste «Rassemblons les oratoriens» a obtenu 24,56% au premier tour, face à deux concurrents qui comme lui portaient le label «divers droite».

Le nouvel élu, qui admet une proximité avec les nationalistes-catholiques radicaux du Renouveau français, avait eu les honneurs de la presse en raison de photos postées sur son compte Facebook, montrant des hommes en train de tirer à la carabine sur un portrait du président Hollande…

Les autres candidats PDF mordent la poussière. A Nîmes, l’ancienne conseillère régionale frontiste Elizabeth Pascal, passée au MNR mégretiste en suivant son mentor politique Serge Martinez, obtient 0,78% contre 21% pour le FN. A Asnières-sur-Seine où Marine Le Pen obtenait 8,18%, la liste d’Henri Massol sur laquelle figurait l’ancien député européen frontiste Eric Pinel, désormais au PDF, se contente de 3,92%.

Le cas de Valenciennes illustre de manière encore plus évidente l’effet de marque FN, qui joue même contre un dissident anciennement implanté. La liste «de rassemblement des patriotes et nationaux» menée par Dominique Slabolepszy, ancien élu local et régional frontiste, ne recueille que 1,52% contre 10,56% pour celle du FN.

C’est donc une fin de partie pour l’ancien secrétaire départemental du FN qui a commencé sa carrière politique dans les rangs de l’UDR gaulliste en 1973 et siège depuis 2007 dans les instances nationales du PDF. Signalons enfin qu’à Vernon, ville de l’Eure dont Carl Lang fut l’élu, Bernard Touchagues (PDF) obtient un honorable 6,06%, alors même que le FN rassemble sur sa propre liste 10,88%. Bien qu’arrivant loin derrière l’UMP (soutenue par les villéristes et les chasseurs de CPNT) et une autre liste menée par un dissident de celle-ci, l’extrême droite (FN plus PDF) obtient un score supérieur à celui du Parti socialiste.

Les autres nationalistes radicaux

Sous bénéfice d’inventaire de candidatures individuelles que nous n’aurions pas connues, ils sont quatre à être élus. Jérémy Thébault, ancien frontiste qui a fondé dans le Val d’Oise le mouvement France Action jeunesse (FAJ), réalise un score de 14,7% à Ableiges. A Jaulnes, un village de Seine-et-Marne, l’ancien conseiller régional FN Jean-Claude Rolinat, contributeur de la revue Synthèse nationale et actif au sein de la Nouvelle Droite Populaire (NDP) continuera à être premier-adjoint, «sans étiquette».

Surtout, il faut noter la remarquable performance de la liste «Vénissieux fait front» menée par Yvan Benedetti et qui, avec 11,49% au 1er tour et 10,26% au 2ème, obtient deux sièges, un pour lui et le second pour Estelle Gagon. Or en 2008 Yvan Benedetti, alors investi par le FN, avait réalisé au premier tour un score légèrement inférieur: 11,16% et récupère donc le capital électoral du parti qui l’a exclu.

La différence entre les scrutins de 2008 et de 2014? L’abstention en hausse (55,75% contre 51,75%) et un plus grand nombre de listes. Mais un nombre de voix à peu près constant pour Benedetti: 1.408 contre 1.442 six ans plus tôt. Le résultat est d’autant plus notable que la liste était clairement identifiée idéologiquement tant par son matériel de campagne que par les media locaux, qui avaient largement répercuté l’appel de Marine Le Pen au préfet du Rhône de ne pas valider la liste.

Au motif notamment que la dénomination «faire front» détournerait le nom du FN. Or les comités Faire Front ont d’abord été, en 1973-74, une structure créée par les militants d’Ordre nouveau qui refusaient de suivre la ligne de Jean-Marie Le Pen au sein du Front national nouvellement lancé…

Jean-Yves Camus

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