C'est l'un des principaux éléments de langage de la gauche parisienne pour relativiser sa performance somme toute décevante au premier tour des municipales: celle de la droite ne serait pas meilleure qu'en 2008. Anne Hidalgo l'affirme, ce mardi 25 mars, dans une interview à Métro:
«Le score de Nathalie Kosciusko-Morizet [34,91%, NDLR] est très inférieur à ceux, cumulés, de Françoise de Panafieu (UMP) et Marielle de Sarnez (MoDem) en 2008, qui était de 36,69%.»
Avant elle, son lieutenant Bruno Julliard avait déjà affirmé la même chose dans un tweet dimanche soir.
A Paris, le total des voix de gauche est a plus de 50%, la droite et le centre font moins qu'en 2008!
— Bruno Julliard (@BrunoJulliard) 24 Mars 2014
L'argument a été aussi décliné par les militants dans chaque arrondissement.
#Mun75006 UMP+Modem 2008=8799 voix, UMP+Modem+Dissidents 2014=8799v exactement ! @jp_lecoq réélu au 1er tour ms la droite ne progresse pas
— Étienne Bismuth (@MarcelParis2014) 25 Mars 2014
A #paris15 en 2008 (modem + UMP) 54.90 % En 2014 >48.60 % Soit 6.30 points en moins Elle est belle la dynamique de @nk_m by @philippe_goujon
— [email protected] (@yann75015) 24 Mars 2014
Si l'on regarde l'évolution des scores par blocs entre 2008 et 2014, on arrive aux résultats suivants:
Gauche (de LO au PS en passant par les DVG et les dissidents): 53,9%
Droite (listes UMP et divers droite): 33,30%
Centre (MoDem): 9,06%
FN: 3,17%
Autres: 0,56%
2014
Gauche: 50,31%
Droite (UMP-UDI-MoDem et divers droite): 42,11%
FN: 6,26%
Autres: 1,31%
En apparence, la gauche parisienne a donc raison: le total droite+MoDem de 2014 est inférieur d'un cheveu à celui de 2008 (42,11% contre 42,36%). Sauf que c'est oublier au passage que le MoDem parisien de 2014, justement, n'est pas celui de 2008.
Cette année, le parti centriste s'est allié à la droite dès le premier tour. Or, en 2008, non seulement ce n'était pas le cas, mais surtout, il ne l'avait pas davantage fait au second, où ses trois candidats en position de se maintenir (Philippe Meyer dans le Ve arrondissement, Véronique Delvolvé-Rosset dans le VIIe et Marielle de Sarnez dans le XIVe) avaient décidé de le faire.
«Le Modem a martelé qu'il n'était ni de droite ni de gauche. A l'arrivée, il ne seront ni sur les listes de gauche ni sur les listes de droite», synthétisait alors l'élu PS du XIVe Pascal Cherki.
Mais à l'époque, le MoDem parisien penchait plus à gauche qu'à droite. «A Paris, Marielle de Sarnez prend un air énamouré à l'égard de Delanoë», lâchait Pierre Moscovici. Le parti aurait voulu obtenir une fusion au second tour avec les listes PS, mais le maire avait refusé, proposant un simple «partenariat».
Et si l'on regarde attentivement les résultats du second tour de 2008, on se rend compte qu'une part non négligeable des électeurs MoDem avaient voté PS. Par exemple, dans les décisifs XIIe et XIIIe arrondissement, où le MoDem avait raté de peu la qualification, la gauche avait réalisé au second tour un score supérieur de six à huit points à l'ensemble de ses réserves du premier tour. Un sondage national CSA évaluait d'ailleurs à l'époque à 45% la part des électeurs MoDem qui, dans l'ensemble de la France, avaient choisi une liste PS au second tour.
Dire, comme la gauche, que le total droite/MoDem de 2014 est inférieur à celui de 2008, c'est donc oublier qu'il y a six ans, les listes MoDem pouvaient séduire centristes de droite comme de gauche. Cette année, les membres de la seconde catégorie n'avaient, faute de réelle option centriste, généralement que l'option Hidalgo, qu'ont d'ailleurs adoptée le conseiller municipal MoDem Jean-François Martins et le dircom du parti Matthieu Lamarre.
Et là où, en 2008, la gauche pouvait ajouter à ses 54% du premier tour une partie du score du MoDem, cette année, elle devra tabler essentiellement sur ses propres 50% –ce qui devrait être largement suffisant.
Jean-Marie Pottier