France / Politique

Il faut dédiaboliser le vote Front national: c'est comme ça qu'on les éloignera du pouvoir

Temps de lecture : 4 min

Si Marine Le Pen remportait trop de victoires, elle serait prise d’une panique terrible: elle devrait renoncer à toutes ses sottises et la déception de ses électeurs serait à la hauteur de son baratin démagogique.

Une affiche Marine Le Pen à Fréjus, 18 mars 2014. REUTERS/Eric Gaillard
Une affiche Marine Le Pen à Fréjus, 18 mars 2014. REUTERS/Eric Gaillard

Quelle trouille! Le FN gagne des électeurs et sera présent au second tour dans 315 villes selon son porte-parole Florian Philippot. Le Front national de Marine Le Pen remonte aux scores du FN de Jean-Marie Le Pen de 2002! L’étranger nous regarde avec dégoût nous laisser séduire par le populisme d’extrême droite! La France, cette belle France des libertés, plonge dans l’ère nauséabonde du rejet de l’autre. Au secours!

Qui dira que droite et gauche «convenables», en alternance au gouvernement depuis quarante ans, l’ont bien mérité? Qui dira que le Front national ne fait son lait que de l’échec des partis traditionnels, de leurs promesses non tenues, de leurs esquives, de leur manque de courage, de leurs dettes accumulées?

Oui, oui, direz-vous, mais quand même: le FN avec tout ce qu’il traîne du passé noir de la France, le FN! Les Français ne peuvent quand même pas... Eh bien si, ils peuvent! Ils peuvent: pour sanctionner cet «UMPS», pas si mal nommé. Ils peuvent: pour dire que le chômage est à 12%, que c’est une honte quand il est moitié en Allemagne. Ils peuvent: pour dire qu’on augmente les impôts à tout bout de champ, que cette fiscalité n’a aucun effet social, qu’elle ne produit que de l’anémie économique et le départ à l’étranger de plus en plus de jeunes. Ils peuvent: pour dire que la politique menée depuis quatre décennies est mauvaise.

Les Français protestent et ils ont raison, cette politique est mauvaise.

Le FN, c'est l'UMPS en pire

Et le danger du FN? Je ne crois pas à ce danger. Plus exactement, je pense que les Français sont bien plus au fait des réalités que ne le pensent les politiques et, au passage, les journalistes.

Le vote FN reste majoritairement un vote de protestation. Risque-t-il de devenir un véritable vote d’adhésion? Ce vote restera minoritaire. Tout simplement parce que le FN, c’est l’UMPS en pire. Si les Français se risquaient à croire aux promesses de Marine Le Pen, ils comprendraient vite leur erreur. Marine Le Pen reproche aux partis traditionnels de faire des promesses et de ne pas les tenir. C’est vrai. Mais que fait-elle? Elle promet encore vingt fois plus! Elle promet de rétablir le pouvoir d’achat et l’emploi, sans effort. Il «suffit», dit-elle, de virer les immigrés, de quitter l’euro, de donner 200 euros à tout le monde, de bloquer les salaires et les prix, de nationaliser les banques.

Y a-t-il un seul Français qui y croit vraiment à de telles fadaises? Ce programme revient à dire que les autres partis allaient dans la mauvaise direction et proposer d’ouvrir tous les déficits à fond de ballon. Ce qu’il faut faire, c'est exactement l’inverse de ce que propose Marine Le Pen.

Les Français ont longtemps été réticents aux réformes, ils espéraient y échapper, ils se laissaient convaincre par ceux qui disaient que la faute était au capitalisme, au libéralisme, aux élites, ils commencent à se rendre aux réalités.

Une majorité d’entre eux admettent qu’il faut réduire les dépenses publiques et redresser la compétitivité du pays. C’est «la fin du déni», assure la libérale revue Sociétal. Ceux qui préfèrent encore les échappatoires deviennent la minorité.

En parallèle, le vote FN monte, c’est un paradoxe, je l’admets. Mais il faut croire à la raison de nos compatriotes: le vote FN est le précipité minoritaire dur du vote rejet.

Gageons que Le Pen sait pertinemment tout cela en son for intérieur et que si elle gagnait le pouvoir, elle serait prise d’une panique terrible: elle devrait renoncer à toutes ses sottises et la déception de ses électeurs serait à la hauteur de son baratin démagogique.

Inverser la courbe du chômage pour inverser la courbe du FN

Son populisme relève de la pensée magique: il suffit, yaka... Marine Le Pen a dédiabolisé le FN mais, en échange, elle l’a vaudouïsé.

La gestion des villes qu’a déjà pu diriger le FN montre que ce parti, une fois devant les réalités, a beaucoup de mal à ne pas faire comme les autres. La seule différence, c'est qu’il donne plus d’argent aux polices municipales qu’aux associations, c’est triste, mais c’est ce que veulent les électeurs. Pour le reste, il s’est révélé mauvais édile.

Revenons sur la situation post-premier tour. La peur du FN est mauvaise conseillère. La bonne réaction à la progression du vote extrême est de décortiquer son programme et de raconter l’histoire de ses échecs municipaux passés. Les Français ne sont pas idiots. Elle est surtout, pour l’UMP et pour les socialistes, de proposer et d’adopter une politique en rupture avec les années passées d’immobilisme. C’est inverser vraiment la courbe du chômage qui inversera la courbe du FN, il n’y a pas d’autre politique.

On aura l’occasion d’y revenir après le second tour des municipales. Mais d’ores et déjà la seule question immédiate posée par les électeurs s’adresse à François Hollande: aura-t-il le courage de confirmer le virage pris en janvier, de l’accélérer vivement?

Les Français se rallient sur le fond à une politique d’austérité pour l’Etat et de rétablissement de la compétitivité. Le chef de l’Etat est devant le dilemme du cavalier qui doit sauter un précipice. Il doit ou bien renoncer, au prétexte des impatiences manifestées, ou bien lancer son gouvernement au grand galop. Y aller en hésitant, sans changer son cheval pour un plus neuf, est le meilleur moyen de finir au fond du gouffre.

Eric Le Boucher

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