Ils sont décriés, parfois vandalisés, les radars fixes implantés sur le bord des routes françaises ne font pas l’unanimité. Deux chercheurs de l’Insee, Sébastien Roux et Philippe Zamora, ont voulu évaluer leur efficacité réelle (PDF).
Leur étude a montré que s’ils contribuent à réduire le nombre d’accidents de la route et le nombre de tués, leur effet tend à diminuer dans les six mois qui suivent l’implantation du dispositif.
Ils ont mené leur enquête au niveau des communes. Les résultats probants se situent au niveau des villes de moins de 6.000 habitants (pour vous faire une idée, ce sont des communes comme Clisson, Coursan ou encofre Bourg-La-Reine). Pour les agglomérations plus importantes, «du fait de la forte hétérogénéité des sites et des niveaux de trafic dans les communes les plus densément peuplées (…) les spécifications testées n’ont pas permis de résoudre les difficultés d’estimation». Comprendre: il n'y a pas de données pour les grandes agglomérations. Difficile dans ces conditions de tirer des conclusions généralisables à l’ensemble de la France.
Sur les petites communes, les données sont les suivantes. L’installation de radars fixes diminue de 13% à 17% le nombre d’accidents corporels et de 50% à 75% le nombre de décès dans les premiers mois. Au-delà de 6 mois, les chercheurs ont noté une diminution de 11% pour les accidents et de 25% à 50% pour les décès par rapport à une situation sans radar fixe. C’est-à-dire qu’en fait:
«L’installation des radars fixes dans les communes de moins de 6.000 habitants aurait évité environ 740 décès, 2.750 blessés graves et 2.230 accidents graves entre 2003 et 2011.»
Des résultats significatifs, mais les chercheurs soulignent qu’on ne décompte dans ces communes que 30% de l’ensemble des accidents corporels, mais quand même 70% des décès liés aux accidents de la route.
Pour expliquer la baisse de l'effet au-delà des 6 mois, les chercheurs avancent plusieurs hypothèses. D’abord, les conducteurs pourraient «sur-réagir» dans les premiers temps qui suivent l’installation du radar, et ralentir sur de plus longues distances avant et après le passage de celui-ci. Les mois suivant, les automobilistes ne réduiraient leur vitesse qu’à l’approche immédiate du radar –ça vous rappelle quelqu’un?
Autre explication, l’étude se concentre sur une commune dans son ensemble et pas au lieu précis où le radar est implanté. Il se pourrait que les conducteurs empruntent d’autres routes pour contourner l’obstacle. La circulation ainsi détournée pour entraîner des accidents qui ne se produiraient pas sur le site du radar.
Mais il y peut y avoir une autre raison: les radars ne seraient pas réellement responsables de la diminution du nombre d’accidents. Il suffit pour s’en convaincre de regarder la chronologie d’implantation de ces dispositifs comme l’on fait les chercheurs. Les premiers radars ont été installés au dernier trimestre 2003, il y en avait 50. La majorité d’entre eux ont été mis en place en 2005 et au tout début de 2006. Quant au nombre total d’accidents corporels sur les routes, il a diminué de 30% sur la période 1998-2007 avec une baisse particulièrement accentuée entre 2001 et 2004. Conclusion, la diminution du nombre d’accidents avait commencé avant l’implantation des radars.
«La répression en matière de sécurité routière privilégie outrancièrement la vitesse», notait Eric Dupin sur Slate en mars dernier, alors même que la Sécurité et la Prévention routière insistent sur la variété des autres facteurs susceptibles de causer des accidents comme l’inattention, l’alcool…
Et pourtant, la France maintient le même cap avec l’installation de radars «double-face» prévue pour 2014.