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Comment Hollande peut faire voter le Parlement sur la Syrie

Temps de lecture : 3 min

Et comment l'opposition peut lui forcer la main si elle souhaite vraiment un vote.

L'Assemblée nationale lors de la séance de questions au gouvernement du 11 juillet 2012. REUTERS/Charles Platiau.
L'Assemblée nationale lors de la séance de questions au gouvernement du 11 juillet 2012. REUTERS/Charles Platiau.

François Hollande a annoncé la tenue d'un débat sans vote au Parlement, le 4 septembre, sur la perspective d'une intervention en Syrie. Une position qui est de plus en plus contestée depuis que la Chambre des communes britanniques a repoussé l'idée d'une intervention militaire et que Barack Obama a annoncé qu'il allait demander aux deux chambres du Congrès de voter sur une résolution sur la Syrie. Pour l'instant, l'exécutif s'est contenté d'annoncer que Jean-Marc Ayrault recevrait les leaders parlementaires lundi.

Théoriquement, sauf à déclarer formellement la guerre, un tel vote n'est possible en France qu'après quatre mois d'intervention (le Parlement a d'ailleurs voté la prolongation de l'intervention au Mali en avril). Mais s'il veut finalement faire voter le Parlement sur la décision d'intervenir en Syrie, le président de la République dispose quand même de deux options, listées par le président de la commission des Lois de l'Assemblée Jean-Jacques Urvoas dans un court entretien au JDD.

Option 1: la déclaration de politique générale

La première est le recours à l'article 49 de la Constitution, qui, par ses alinéas 1 et 4, permet au «Premier ministre, après délibération du Conseil des ministres, [d'engager] devant l'Assemblée nationale la responsabilité du gouvernement sur son programme ou éventuellement sur une déclaration de politique générale» et de «demander au Sénat l'approbation d'une déclaration de politique générale».

Cet article est généralement utilisé par un gouvernement pour faire une déclaration sur l'ensemble de sa politique mais, en 1991, Michel Rocard avait fait approuver l'entrée en guerre de la France en Irak par ce biais à une très large majorité. Il avait conclu son discours en ces termes:

«Naturellement, ceux qui voteront "pour" ne seront en aucun cas présumés soutenir la politique générale du Gouvernement. Ils auront simplement signifié leur approbation du texte et de l'esprit des résolutions de l'Onu et des conséquences qui en résultent directement pour la France, dans le cadre de ses engagements internationaux.»

Dans une perspective assez proche (même s'il ne s'agissait pas d'une intervention militaire), François Fillon avait engagé la responsabilité de son gouvernement en mars 2009 sur le retour de la France dans le commandement intégré de l'Otan.

Mais en octobre 2001, Lionel Jospin, interrogé lors des questions au gouvernement sur l'engagement français en Afghanistan, avait cependant estimé que l'utilisation de cet article «posait problème» car «ce n’est pas un article qui a été prévu pour l’engagement de la France dans ce genre d’opération ». Une étude de la revue Pouvoirs de 1991 notait d'ailleurs que cette procédure «force la main aux députés» puisqu'un éventuel vote contre de l'Assemblée ne signifierait pas seulement le rejet de la résolution, mais aussi la démission du gouvernement.

Option 2: le débat sur une résolution

Une autre option, moins spectaculaire, existe depuis 2008: le gouvernement peut faire débattre d'une résolution par le Parlement, et organiser un vote qui n'engage pas sa responsabilité.

Utilisée pour la première fois au Sénat en 2010, cette procédure a déjà été mise en œuvre trois fois par le gouvernement Ayrault, sur l'immigration professionnelle et étudiante, sur le programme de stabilité 2013-2017 et sur les nouvelles perspectives européennes. Dans le deuxième cas, un vote avait eu lieu.

Option 3: la motion de censure

Enfin, si le gouvernement ne souhaite pas procéder à un vote, l'opposition dispose d'une arme détournée pour l'y contraindre: le dépôt d'une motion de censure. En avril 2008, c'est la procédure qu'avait utilisée le PS pour mettre en cause l'intensification de l'engagement de la France en Afghanistan et l'annonce du retour dans le commandement intégré de l'Otan. Une motion de censure qui avait été défendue par le premier secrétaire de l'époque, François Hollande:

«Dans toute démocratie digne de ce nom, de tels arbitrages auraient été rendus après un vaste débat dans le pays et un vote solennel au Parlement. […] Certes, la semaine dernière, monsieur le Premier ministre, vous avez daigné organiser ce que vous appelez "une information du Parlement". [...] Mais vous avez refusé de conclure le débat par un vote alors que rien, je dis bien rien, dans la Constitution, ne vous interdisait de le faire! […] Il n'appartient pas au Président de la République de décider seul de notre politique étrangère et de défense. Le domaine réservé, qui n’a d’ailleurs jamais été reconnu dans la Constitution, ne peut pas être le domaine exclusif d’un seul.»

Jean-Marie Pottier

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