Alors que des violences entre des jeunes de Trappes et la police ont fait la une des médias et que rejaillit la controverse sur la politique de la ville, voici une étude qui tombe à point nommé et éclaire la question des inégalités ethniques face au marché de l’emploi.
En France comme aux Etats-Unis, on observe un fossé entre le taux de chômage des immigrés et celui du reste de la population, ce qui pose la question des inégalités face à l’accès à l’emploi et, plus prosaïquement, constitue un problème d’efficacité économique, puisque des ressources importantes de main d’oeuvre sont gaspillées.
Pour les chercheurs Laurent Gobillon (Ined), Peter Rupert (Université de Californie) et Etienne Wasmer (Sciences Po, CEPR), ce fossé est de 6 points en France entre immigrés d’Afrique et personnes nées en France. Aux Etats-Unis, le fossé entre population noire et population blanche est de 9 points.
Une synthèse de leur recherche récente, publiée sur le site Vox, revient sur les causes de tels écarts. Pour expliquer ce «gap» entre les minorités ethniques d’immigration récente et le reste de la population, plusieurs explications sont en général avancées. En particulier, la notion de spatial mismatch, le fait que les lieux de résidence et la localisation des emplois ne sont pas ajustés, explique une partie de cet écart.
Les auteurs ont calculé qu’en France, la minorité avait un temps de trajet quotidien pour se rendre au travail de 17% supérieur au temps médian, et de 24% supérieur au temps moyen, «ce qui peut refléter un accès plus difficile aux emplois». Les chercheurs ont établi un modèle selon lequel les facteurs géographiques expliqueraient entre 17% à 25% de cet écart de taux de chômage. Cela suggère que les discriminations ethniques jouent un rôle majeur. De précédentes études qui isolaient les facteurs comme les caractéristiques individuelles et le lieu de résidence ont montré que l'écart persistait après ces vérifications.
En France, le dispositif des zones franches urbaines (ZFU) est destiné à inciter les entreprises à s'implanter dans des zones sensibles à fort taux de chômage. Une note de 2012 de l'Insee jugeait que malgré des résultats positifs en termes d'implantations, ces dispositifs «ne se traduisent pas nécessairement par une hausse de même ampleur de l'emploi des populations des quartiers ciblés».
D’autres facteurs jouent un rôle, en particulier l’importance des réseaux et des recommandations. Un «favoritisme inconscient» selon Nancy DiTomaso (Rutgers Business School), auteure de The American Non-Dilemma: Racial Inequality Without Racism, citée dans un récent article de NPR. La chercheuse souligne ainsi que la reproduction d’inégalités raciales se fait sans que les personnes aient l’impression d’un favoritisme dans l’accession aux meilleurs emplois, y compris quand elles ont elles-mêmes bénéficié de tels coups de pouce.