France / Sciences

La recherche sur l’embryon était permise, elle sera autorisée

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La gauche vient de modifier la loi. En pratique, toutefois, rien ne changera. Sauf les apparences.

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Officiellement, en France, la «recherche sur l’embryon» était interdite. En pratique, elle était autorisée –sous couvert de dérogations. Depuis 2004, cette situation ne convenait ni à ceux pour qui l’embryon humain doit être considéré comme une personne ni à ceux pour qui interdire cette recherche était un affront à la liberté pleine et entière du chercheur.

Désormais, ces travaux de recherche seront officiellement autorisés: le Parlement a définitivement adopté mardi 16 juillet une proposition de loi des radicaux de gauche. Elle autorise la recherche sur l'embryon humain et sur les cellules souches qui le constituent (CSEh).

Dans les faits, rien ne changera, sinon les apparences et une forme symbole. Comme depuis 2004, seuls les embryons conçus in vitro dans le cadre d’une procréation médicalement assistée (et ne s’inscrivant plus dans le cadre d’un projet parental) pourront, avec l’aval des couples concernés, être utilisés à des fins de recherches. Et ces dernières seront toujours encadrées par l’Agence de biomédecine. Et contrairement à ce qui a pu être avancé ces dernières semaines dans les échanges polémiques qui ont précédé le vote de cette proposition, la France n’a nullement, ces dernières années, été absente dans cette compétition scientifique. Le bilan dressé par l’Agence de la biomédecine en témoigne.

Au 31 décembre 2012, cette institution en charge de l’application des dispositions législatives de bioéthique avait, depuis 2004, rendu 215 décisions dont 190 autorisations de travaux de recherche. Ces derniers utilisaient des embryons humains, soit pour une recherche portant sur le développement embryonnaire, soit pour dériver des lignées de CSEh. Les équipes scientifiques volontaires pour de tels travaux ne manquent pas de matériel biologique. «Au 31 décembre 2010, 17.179 embryons, issus de 4.854 couples, étaient dépourvus de projet parental et avaient fait l’objet d’un consentement à leur utilisation en recherche», précise-t-on auprès de l’Agence de la biomédecine.

Tous les embryons disponibles et conservés par congélation n’ont pas, loin s’en faut, été détruits. Sur les 51 protocoles de recherche autorisés de 2004 à juin 2010 (et menés par 36 équipes) 1.087 embryons ont été utilisés –dont 243 pour la recherche sur le développement embryonnaire et 844 qui ont permis de dériver 28 lignées de CSEh, La majorité des travaux (40 sur 51) ont été menés sur utilisé des lignées de CSEh importées. En 2012 seuls 49 embryons ont été utilisés à des fins de recherche.

Aujourd’hui, une trentaine d’équipes sont concernées. «Ce nombre est stable et correspond aujourd’hui, compte tenu de la haute technicité nécessaire, aux équipes susceptibles de développer une recherche sur les CSEh ou l’embryon en France», précise encore l’Agence de la biomédecine. La nouvelle loi ne changera donc rien dans ce domaine.

La loi précédente ne semble en rien avoir pénalisé la recherche française.

«La diversité de ces programmes de recherche reflète ce qui se fait dans les autres laboratoires internationaux, souligne l’Agence. Elle associe des recherches rapidement transposables dans le domaine médical, et d’autres plus fondamentales, mais indispensables aux progrès médicaux futurs. Beaucoup d’équipes se focalisent sur la production de cellules thérapeutiques normales, c’est-à-dire de cellules visant à restaurer les fonctions d’un organe ou d’un tissu défaillant. Dans les domaines cardiovasculaire, dermatologique, hématologique et ophtalmologique, elles espèrent aboutir au développement d’un protocole clinique dans des maladies déjà identifiées.»

Aucun élément objectif ne vient ainsi soutenir les arguments avancés ces dernières semaines par les responsables politiques de l’actuelle majorité (et notamment par Geneviève Fioraso, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche) soutenant que la loi jusqu’ici en vigueur avait nui à la recherche française. L’état des lieux complet est disponible dans le rapport annuel 2011 de l’Agence. Et tous les détails relatifs à tous les travaux sont inscrits sur les registres de l’Agence de la biomédecine.

L’analyse des activités menées depuis la loi de 2004 montre que ces recherches nécessitent des investissements lourds en et que les premiers résultats ne peuvent pas être escomptés à court terme. Aucune recherche (en France comme à l’étranger) n’a encore débouché sur des résultats thérapeutiques concrets et applicables. Au final, le nombre de nouvelles équipes se lançant sur ces thématiques en France mais aussi à l’étranger est relativement faible eu égard aux perspectives qu’elles laissent percevoir.

Cette forme d’attentisme tient pour beaucoup au fait que les CSEh ne sont pas les seuls matériels sur lesquels la recherche vers la future médecine régénératrice peut-être menée. Il faut ici tenir compte des cellules souches néo-embryonnaires dites «iPS» (pour «cellules souches pluripotentes induites»). Celles-ci sont obtenues après manipulation de cellules prélevées sur des organismes adultes. Mise au point par le chercheur japonais Shinya Yamanaka, prix Nobel de médecine 2012, la technique qui permet d’obtenir de telles lignées cellulaires permet de faire l’économie de la destruction d’embryons humains. A ce titre, elle est perçue comme la seule à devoir être développée par les défenseurs de l’embryon. Le camp adverse fait valoir qu’elle n’est pas dénuée de risque.

En pratique, les responsables des principales équipes françaises engagées dans cette compétition font preuve de pragmatisme. Comme leurs concurrents, ils mènent en parallèle des travaux sur les CSEh et sur les cellules iPS. Et nouvelle loi ou pas, ils continueront à le faire.

J-Y.N

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