La police a arrêté, mercredi 29 mai, Redoine Faïd, le braqueur évadé de manière spectaculaire de la prison de Sequedin (Nord), dans son hôtel de Pontault-Combault, en Seine-et-Marne, autour de 3 heures du matin. Soit la même heure à laquelle le Raid avait décidé de donner l’assaut contre l’appartement de Mohamed Merah, l’auteur des tueries de Toulouse et de Montauban, en mars 2012.
Les policiers ont-ils le droit de pénétrer chez quelqu’un à n’importe quelle heure de la nuit?
En règle générale non, sauf dans certains cas prévus par la loi et sur autorisation préalable d’un magistrat.
Redoine Faïd arrêté, voilà qui fera plaisir à @pj_un_jour. Je me demande comment légalement ils justifient l'interpell à 03h00.
— Maitre Eolas (@Maitre_Eolas) 29 mai 2013
Pour les forces de l'ordre, l'horaire est a priori le plus favorable: 3 heures du matin est l’heure à laquelle les policiers ont le plus de chances de surprendre un homme en cavale dans son sommeil. Mais la police n’avait jusqu’à récemment pas le droit de procéder à de telles opérations.
Le code de procédure pénale interdit en effet normalement aux autorités de procéder à une arrestation de nuit au domicile du suspect (et par extension dans sa chambre d’hôtel, dans le cas de Redoine Faïd) entre 21 heures et 6 heures, pour respecter les droits et la vie privée des citoyens et garantir le principe d’inviolabilité du domicile. Le fait pour un policier de s’introduire chez quelqu’un contre son gré et en dehors des cas permis par la loi (comme en cas de flagrance) est puni de deux ans de prison et de 30.000 euros d’amende.
En 2004, la Loi Perben II, portée par le Garde des Sceaux du gouvernement Raffarin et son ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, a créé des exceptions à cette interdiction. Le juge d’instruction peut aujourd’hui autoriser la police, dans des affaires de stupéfiants, de proxénétisme, de crime organisé ou de terrorisme, à pénétrer dans un domicile en dehors des heures légales.
Dans une affaire de drogue ou de crime organisé, les policiers peuvent ainsi demander une dérogation au magistrat pour intervenir à n’importe quelle heure s’ils ont des éléments qui les laissent penser qu’un suspect va détruire des preuves ou des indices et qu’il y a un caractère d’urgence. Or, Redoine Faïd était poursuivi, depuis son évasion, pour toute une série d'incriminations dont notamment «association de malfaiteurs», qui entre dans les cas mentionnés par la loi.
Dans l’affaire Merah, le chef du Raid, Amaury de Hauteclocque, avait aussi demandé aux magistrats une autorisation afin d’éviter l'heure légale de 6 heures, trop prévisible, et tenter de surprendre le suspect dans son sommeil. La stratégie n’avait pas porté ses fruits, et Mohamed Merah avait accueilli les hommes du Raid les armes à la main, repoussant leur premier assaut et blessant plusieurs d’entre eux. Dans le cas de Redoine Faïd, l’arrestation du braqueur récidiviste s'est à l'inverse déroulée dans le calme et de manière beaucoup plus rapide.
Grégoire Fleurot
L’explication remercie le ministère de l’Intérieur, Xavier Prugnard de La Chaise, avocat au barreau de Paris, et Christophe Crepin, du syndicat Unsa Police.
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