«Monsieur le curé (Monsieur l’évêque),
Ayant été baptisée en l’église Saint I… le 4 avril 19.. sous le nom de Nathalie C, je vous serais reconnaissante de bien vouloir porter sur le registre de baptême et en regard de mon nom la mention suivante: a renié son baptême par lettre datée du 20 avril 2013.»
C’est par ces mots que la blogueuse Heaven Can Wait, blog qui n’a jamais aussi bien porté son nom, entame sa lettre au diocèse de Lyon pour obtenir sa débaptisation, qui a beaucoup circulé sur les réseaux sociaux le week-end dernier. C’est ce qu’on appelle l’apostasie.
Un phénomène marginal qui toucherait un millier de personnes environ en France annuellement, mais dont la possibilité serait de plus en plus envisagée par des catholiques exaspérés par la tournure qu'a pris le débat sur «le mariage pour tous», qui s'est achevé mardi à l'Assemblée, et la présence de responsables de l’Eglise parmi les opposants à la loi.
Kit d'apostasie en trois étapes
Le site «Apostasie pour tous» propose carrément un petit kit d’apostasie en trois étapes: adresse de l’évêché dont dépend l’église du baptême, choix de la motivation (égalité hommes/femmes, pédophilie, mariage pour tous, etc.), lettre type à compléter.
Source: Apostasie Pour tous
Si la lettre du blog Heaven Can Wait semble émaner d'une catholique, le site «Apostasie pour Tous» a plutôt une allure de démarche militante calibrée pour les réseaux sociaux, comme en témoigne sa dernière étape, qui propose à l'internaute de choisir une religion parodique comme le Grand bélier primordial ou le Pastafarisme.
Sa lettre-type destinée à l’évêché fourmille cependant d'arguments juridiques solides. Ainsi le site se réfère aux articles 38 à 40 de la loi du 6 janvier 1978 dite «Informatique et libertés», ce dernier article précisant que «toute personne physique justifiant de son identité peut exiger du responsable d’un traitement que soient, selon les cas, rectifiées, complétées, mises à jour, verrouillées ou effacées les données à caractère personnel la concernant, qui sont inexactes, incomplètes, équivoques, périmées, ou dont la collecte, l’utilisation, la communication ou la conservation est interdite».
L’affaire René Lebouvier fera-t-elle jurisprudence?
Plus gourmand que la blogueuse précitée, le site stipule qu’«une inscription en marge de l'acte de baptême n'est pas suffisante et [que l’évêché est] tenu de rendre illisible, par exemple par le surlignage à l’encre noire indélébile, toute mention de ce baptême.»
La suppression de toute mention du baptême fait référence à l’affaire du libre-penseur René Lebouvier. Comme l’avait à l’époque écrit Henri Tincq sur Slate.fr, cet homme a, en octobre 2011 et pour la première fois en France, «obtenu du tribunal de Coutances que son nom soit rayé des registres paroissiaux et diocésains de baptême».
Pour les juges, expliquait par ailleurs Le Figaro, «l'existence de ce baptême sur un registre accessible à des personnes tierces à l'individu concerné […] constitue en soi une divulgation de ce fait qui porte par conséquent atteinte à la vie privée.»
Problème: l’Eglise a refusé et a fait appel. Comme l’expliquait Henri Tincq:
«Cette affaire est suivie de près par les associations de libre-penseurs, qui font campagne pour la “débaptisation”, et par l’Eglise catholique qui se trouve sur la défensive. Si la cour d’appel donnait raison au requérant et que le diocèse était mis dans l’obligation d’effacer un nom de ses registres, cela donnerait des idées à d’autres et ferait jurisprudence.»
Excommunié latae sententiae
Or, l’affaire n’a toujours pas été jugée en appel: selon la Cour d'appel de Caen, il faudra au moins attendre l'été. Pour le moment, et comme dans toutes les affaires de ce genre, la mention «a renié son baptême par lettre datée du 31 mai 2001» figure en marge du nom de René Lebouvier.
Que les futurs apostats qui craignent que leur nom reste gravé sur les registres paroissiaux se rassurent avec la lecture de l'article 1364 du droit canonique: ils seront excommuniés latae sententiae (automatiquement). Le site de l'association LGBT Les Panthères roses, qui propose elle aussi une lettre d'apostasie, rappelle cet article dans son argumentation:
«Mon adhérence à l’église catholique prend fin par la présente lettre vous signifiant mon apostasie et ce, en vertu du droit canon 1364 qui évoque clairement: “L’apostat de la foi, l’hérétique ou le schismatique encourent une excommunication latae sententiae”.»
Amen?
J.-L.C.