France

Fusion des départements: le non alsacien a un petit air de référendum de 2005

Temps de lecture : 3 min

Si le «oui» a été majoritaire, de manière insuffisante, l'analyse du vote «non» confirme l'existence d'un clivage important entre zones dynamiques et périphériques, qui ne recoupe pas forcément l'opposition gauche-droite.

Colmar / Nouhailler via Flickr CC Licence By
Colmar / Nouhailler via Flickr CC Licence By

Faible mobilisation des élus socialistes, dissensions au sein de l’UMP locale, désintérêt des médias nationaux: le référendum sur la fusion des deux départements et de la région Alsace en une collectivité unique s’est soldé par un échec, dimanche dernier.

Au moins 25% des électeurs inscrits dans chacun des deux départements devaient voter oui pour que la réforme passe. Résultat: les Haut-Rhinois ont voté non à 55,7% et, si les Bas-Rhinois ont largement approuvé la réforme à plus de 67% (plus de 70% dans l'agglomération strasbourgeoise), la faible participation (qui s'est montée à 36% seulement sur l'ensemble de la région) fait que moins de 23% des inscrits ont voté oui.

Il n’y aura donc pas de fusion territoriale: un échec politique pour les partis de gouvernement, malgré le soutien apporté à la réforme par l'UMP, le centre et Europe Ecologie Les Verts –et une position à peu près incompréhensible du PS sur ce sujet...

Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion et stratégies d’entreprises de l’Ifop, propose dans une note qu'a publié le 11 avril la fondation Jean-Jaurès une analyse détaillée de la géographie de ce vote.

Le non fort là où le Pen est forte

L’analyse du vote non révèle que celui-ci est d’autant plus fort que la commune a voté pour Marine Le Pen lors du premier tour de la dernière présidentielle. Mais la campagne du FN «Je veux l’Alsace française, je vote non», qui a joué sur l’attachement territorial des électeurs mais aussi, paradoxalement, sur leur peur d’être éloignés du centre républicain et engloutis dans l’Europe, ne suffit pas à expliquer cette tendance.

Car c’est l’ensemble des partis contestataires, FN, Debout la République et Front de Gauche, qui ont appelé à voter non, et la carte du vote agrégé de ces trois partis recoupe elle aussi fortement celle du vote contre la proposition de réforme territoriale de la région. Même si ces votes avaient sans doute des motivations différentes: le Front de Gauche a mis en avant le risque d’une «France à plusieurs vitesses», quand le Front national s’est plutôt attaché à critiquer «l’Europe antinationale des régions».

L’auteur de la note remarque ainsi «qu’au clivage gauche/droite traditionnel vient de plus en plus régulièrement s’ajouter un clivage idéologique et sociologique opposant, pour faire simple, les "gagnants" et adeptes de la mondialisation, de l’intégration européenne et de la décentralisation aux "perdants" de cette mondialisation qui s’accrochent et défendent un cadre national centralisé et égalitaire».

Comme l'écrit le journal l'Alsace, «on ne peut pas dire que les électeurs ont suivi leurs élus, avec une grande fidélité, aussi bien en territoire urbain qu’en territoire rural. La grande majorité des élus alsaciens était pour le projet... mais les électeurs ont décidé de garder leur liberté d’agir».

Dans une région très ancrée à droite, qui a donné à Nicolas Sarkozy une majorité de plus de 63% au second tour en mai 2012, le fait que le projet soit porté par le président du conseil régional, l'UMP Philippe Richert, n'a pas influencé les électeurs.

L’Alsace, un mini-référendum de 2005

Les opposants à la collectivité territoriale unique ont par ailleurs plus mobilisé que les «ouistes» comme en témoigne, par exemple, la faible participation à Strasbourg qui a voté très majoritairement oui (72% d'abstention, 68% de oui), et celle de Colmar («seulement» 63% d'abstention, 67% de non) dont les électeurs avaient des inquiétudes sur le statut de la future préfecture départementale une fois la fusion réalisée.

Ainsi sur une réforme institutionnelle, sujet dont on sait qu’il ne passionne guère les électeurs, on voit une nouvelle fois que ces derniers profitent de l'occasion pour faire entendre leur rejet des propositions des partis de gouvernement.

Car il y a un air de déjà-vu dans cette fracture entre des ouistes plutôt intégrés et des nonistes venus des franges de la société, plus contestataires. Une situation très comparable à celle du vote en faveur du non au référendum sur la constitution européenne de 2005. Comme l’écrit Jérôme Fourquet:

«Il est intéressant de constater que l’on retrouve en fait globalement la même configuration que lors du référendum de 2005: d’un côté les partis de gouvernement soutenant l’intégration européenne et le projet de fusion des collectivités alsaciennes dans le cadre d’une nouvelle avancée de la décentralisation contre, de l’autre côté, les tenants de l’Etat-Nation attachés au maintien de l’échelon départemental face aux euro-régions».

Jérôme Fourquet, Eléments d'analyse sur l'échec du référendum alsacien. Fondation Jean-Jaurès

«Au plan géographique et sociologique, les mêmes lignes de fracture observées en 2005 sont de nouveau à l’œuvre», note-t-il. Les grandes agglomérations, les zones frontalières avec la Suisse à chômage faible et les zones touristiques dynamiques sur la route des vin ont voté oui; les zones périphériques, rurales et industrielles fragilisées ont voté non.

J.L.C.

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