La déclaration consécutive à l'annonce des résultats du second tour, qu'elle intervienne à la suite d'une victoire ou d'une défaite, est un passage obligé aussi important que conventionnel.
À l'image du clip officiel de campagne, ce discours, dans les deux camps, est en général très similaire à ceux des précédentes années. Voici donc une idée de ce que nous devrions entendre dimanche dans la bouche de François Hollande et Nicolas Sarkozy, les deux finalistes.
20 heures, mes chers compatriotes...
Avant que Jacques Chirac en 2002 et Nicolas Sarkozy en 2007 ne rompent avec cet usage un peu hypocrite, le maître mot du candidat fraîchement élu président de la République était la prudence. Les résultats divulgués à 20 heures n'étant pas encore définitifs, pas d'emballement:
- «Les résultats qui me sont communiqués à l'heure où je m'exprime annoncent que les Françaises et les Français ont choisi le changement que je leur proposais.» (François Mitterrand le 10 mai 1981)
- «Mes chers compatriotes, les résultats connus à l'heure où je m'exprime m'apprennent que vous avez choisi de m'accorder votre confiance.» (François Mitterrand le 8 mai 1988)
- «Mes chers compatriotes, à l'heure où je parle, les résultats connus montrent que vous avez décidé de me confier la plus haute charge de l'Etat.» (Jacques Chirac le 7 mai 1995)
Félicitations, c'est (toujours) un garçon
La plupart du temps, alors que l'élu en est à prendre les résultats avec des pincettes, le (plus ou moins bon) perdant, lui, félicite son adversaire. En 1981, Valéry Giscard d'Estaing, le seul à réagir au soir du second tour dans un simple communiqué, se montre loyal: «J’adresse tous mes vœux à François Mitterrand.» L'intéressé, bon gagnant, ne manque pas de répondre à son prédécesseur: «Mesdames et messieurs, j'ai une autre déclaration brève à faire. A M. Giscard d'Estaing, que je remercie de son message, j'adresse les voeux que je dois à l'homme qui, pendant sept ans, a dirigé la France.» Sept ans plus tôt, VGE avait lancé «un salut très cordial» à son «concurrent moins heureux» qui a «un rôle à jouer dans le présent et le futur de la politique française». Il ne croyait pas si bien dire.
En 1988, le battu Jacques Chirac se montre lui plus sec, après deux ans de cohabitation: «Les Français ont décidé de confier la responsabilité de l'État à M. Mitterrand. Dans une démocratie, c'est le peuple qui est le maître et je m'incline devant son choix.» Lionel Jospin, son rival socialiste sept ans plus tard, ne lui en a pas tenu rigueur puisqu'il déclare:
«Une majorité a voté pour Jacques Chirac, je le félicite pour son élection à la présidence de la République et je lui souhaite bonne chance.»
Nicolas Sarkozy, quand il l'emporte en 2007, opte pour un mélange des deux cas précédents, ni trop ni pas assez: «Ma pensée va à Mme Royal. Je veux lui dire que j'ai du respect pour elle et pour ses idées dans lesquelles tant de Français se sont reconnus. Respecter Mme Royal, c'est respecter les millions de Français qui ont voté pour elle.» Une Ségolène Royal beaucoup plus neutre en retour:
Pourtant, j'étais le meilleur
Passage plus qu'obligatoire pour les bons et les mauvais perdants comme pour les bons gagnants: les remerciements envers leur électorat. Pour les perdants, c'est souvent chiffre à l'appui, pour montrer qu'ils ont quand même rassemblé, qu'ils saluent les efforts vains: «Je remercie chaleureusement les quinze millions de Françaises et de Français qui m’ont apporté leurs suffrages» (Jospin 1995); «Je remercie du fond du coeur les près de 17 millions de citoyens et de citoyennes qui m'ont accordé leur confiance, et je mesure leur déception et leur peine, mais je leur dit que quelque chose s'est levé, qui ne s'arrêtera pas» (Royal 2007).
Vainqueurs ou pas, tous aiment à rappeler combien leur action politique a été positive, avant et pendant la campagne. Jacques Chirac en 1988: «Durant deux années, j'ai mis en oeuvre dans notre pays une politique nouvelle, fondée sur une plus grande liberté, une plus grande justice, une meilleure sécurité.» Ségolène Royal en 2007: «J'ai engagé un renouvellement profond de la vie politique, de ses méthodes et de la gauche.»
Une élection chasse l'autre
L'avenir. Après les élections présidentielles viennent les élections législatives, sorte de lumière au bout du tunnel pour les candidats qui n'ont pas gagné le droit de présider la France. En 2002, après sa défaite, Jean-Marie Le Pen, candidat Front national arrivé au second tour à la surprise générale, ne s'en cache pas et évoque cette prochaine échéance à deux reprises:
«Ce soir, le résultat que j'ai obtenu est remarquable, il nous place comme la première force politique française. Il nous permet de fonder à court et à moyen terme les plus belles espérances, en particulier pour les élections législatives. […] Je suis le seul à incarner le changement dans le pays, nous sommes en effet la principale force politique en France et nous appelons les Français à adhérer, à s'engager dans la bataille législative qui doit nous donner des élus à l'assemblée nationale. C'est pourquoi je donne rendez-vous les 9 et 16 juin prochain à ceux qui ont voté pour moi au premier et au second tour et à ceux qui les rejoindront afin de faire entendre leur voix.»
Plus évasif, Lionel Jospin, perdant en 1995: «J’invite toutes celles et tous ceux qui croient aux valeurs de justice et de progrès à se rassembler pour prolonger cette espérance et préparer les succès de demain.» En 2007, Ségolène Royal appelait à ne pas relâcher les efforts: «Gardez confiance, gardez intact votre enthousiasme, restez mobilisés, d'autres rendez-vous démocratiques nous attendent et je continue le combat commencé avec vous.» Une tradition d'espoir dans la défaite entamée par François Mitterrand en 1974: «Parce que vous représentez le monde de la jeunesse et du travail, votre victoire est inéluctable.»
Super-héros
L'autre perspective d'avenir consiste à sauver le monde. C'est ainsi que François Mitterrand, vainqueur en 1981, poète d'un soir, place la France au coeur d'une logique mondiale: «Des centaines de millions d'hommes sur la terre sauront ce soir que la France est prête à leur parler le langage qu'ils ont appris à aimer d'elle». En 1988, il poursuit: «Je servirai passionnément en votre nom le développement des pays pauvres, le désarmement et la paix et sans plus tarder car l'urgence est là.»
Jacques Chirac, vainqueur en 1995, s'engage un peu plus encore:
«De nouveau, la patrie des droits de l'Homme rayonnera dans le monde, de nouveau la France sera le moteur de l'Union européenne, gage de paix et de prospérité pour notre continent. [...] Alors la France redeviendra un phare pour tous les peuples du monde et c'est sa vocation.»
Une logique qui culminera avec Nicolas Sarkozy en 2007:
«Je veux lancer un appel à tous les Africains, un appel fraternel pour dire à l'Afrique que nous voulons l'aider à vaincre la maladie, la famine, la pauvreté, à vivre en paix. […] Je veux lancer un appel à tous ceux qui, dans le monde, croient aux valeurs de la tolérance, de la liberté, de la démocratie, de l'humanisme, à tous ceux qui sont persécutés par les tyrannies et les dictatures. Je veux dire à tous les enfants à travers le monde, à toutes les femmes martyrisées dans le monde, je veux leur dire que la fierté, le devoir de la France sera d'être à leurs côtés. [...] La France sera du côté des opprimés du monde. C'est le message de la France, c'est l'identité de la France, c'est l'histoire de la France.»
Final classique
«Vive la République! Vive la France!» - Mitterrand 1988, Chirac 1995, Chirac 2002, Le Pen 2002, Sarkozy 2007, Royal 2007.
«Merci» —Mitterrand 1981— et... «au revoir!» —VGE 1981.
Aurélia Morvan