Slate.fr a pris le relais de l'ONG Transparence International France en sollicitant les candidats à l'élection présidentielle pour qu’ils publient leur déclaration d’intérêts, un document qui permet de s’assurer que, dans le cadre d’une décision publique, des intérêts personnels n’interviennent pas pour fausser l’impartialité des décideurs. Si une telle situation se présente, elle est détectée grâce à la déclaration d’intérêts et la personne concernée doit s’abstenir de participer à la décision. La publication d’un tel document permet aussi de protéger les décideurs publics contre les soupçons d’un mélange des genres.
Nous avons réalisé une fiche pour chacun des candidats regroupant leurs opinions sur la question de la lutte contre les conflits d'intérêts, leur déclaration (quand elle a été envoyée) et ce qu'ils ont «oublié» de déclarer. Envoyez-nous toute information sur des intérêts que nous aurions omis dans cette fiche à infos @ slate.fr.
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Sa fiche Wikipol
Ce que Nicolas Sarkozy a dit sur les conflits d'intérêts
En 2007, le candidat Nicolas Sarkozy s’est fait élire en prônant une «République irréprochable». Après cinq ans d’un mandat émaillé par la mise en accusation de membres de son entourage ou de son gouvernement, la formule peine à convaincre.
L’ONG Transparence international France pointait d’ailleurs dans son rapport «l'écart entre les annonces et les actes» en matière de lutte contre les conflits d’intérêts, et a interrogé quatre éditorialistes sur le bilan du Président en la matière:
En outre, le Président sortant est le seul des dix candidats à la présidentielle avec Marine Le Pen à ne pas s’être prononcé sur la question des conflits d’intérêts, comme l’y invitait l’ONG. Il n’a pas non plus rempli sa fiche de déclaration d’intérêts.
Sa déclaration d'intérêts
Sollicité par Slate.fr et Transparence International France, il n’a pas rempli la fiche de déclaration d’intérêts.
Ce qu'il n'a pas déclaré
Le refus de Nicolas Sarkozy de remplir sa déclaration d’intérêts est d’autant plus étonnant que c’est, de loin, le candidat qui présente le plus de risques de conflits d’intérêts. S’il a renoncé à son siège d’administrateur de l’Etablissement public foncier des Hauts-de-Seine (EPF92) au moment où il a accédé à l’Elysée, il détient toujours 34% des parts de SELAS CSC, une société d’avocats spécialisée dans l’immobilier. Il s’est d’ailleurs porté caution personnelle d’un emprunt de 544.000 euros contracté par l’entreprise. Nicolas Sarkozy est de plus toujours inscrit au barreau de Paris.
Son fils, Jean Sarkozy, conseiller général a, comme son père une attirance pout l’immobilier. Le jeune conseiller général des Hauts-de-Seine, qui vient de décrocher sa licence de droit, est en effet administrateur de l’Office public de l’habitat de Levallois ainsi que de l’Etablissement public d’aménagement de La Défense Seine-Arche (Epadesa).
En 2009, il avait tenté de prendre la tête de l’Epad (à l’époque, l’Epad et l’Epasa n’avaient pas encore fusionné) mais les vives accusations de népotisme qu’il avait subies l’avaient finalement poussé à ne plus briguer la présidence de l’établissement et à se contenter d’un poste d’administrateur à l'office public de l'habitat de Levallois et à l'Epadesa.
Le grand patron Martin Bouygues, témoin du deuxième mariage de Nicolas Sarkozy, est le parrain de son dernier fils, Louis Sarkozy.
Mais c’est surtout du côté des frères du Président que résident les risques de conflit d’intérêts. Le frère aîné, Guillaume Sarkozy, occupe des postes à responsabilité dans des entreprises du secteur de la santé. Il est en effet délégué général du groupe de protection sociale Malakoff Mederic (numéro 1 français pour les retraites complémentaires et numéro deux en assurance collective des personnes).
Il représente également le groupe dans les conseils d’administration de MMA (assurance) et SCOR SE (réassurance). Il est aussi au conseil d'administration de Korian, entreprise spécialisée dans la prise en charge de la dépendance.
Guillaume Sarkozy est omniprésent dans le milieu de la santé. Nicolas Sarkozy a d’ailleurs été soupçonné de vouloir réformer le système de retraite afin de favoriser le recours aux retraites complémentaires privées, cœur de métier de son frère.
Le frère cadet de Nicolas Sarkozy, François Sarkozy, évolue également dans le milieu de la santé. Ce dernier occupait jusqu’en 2010 de hautes responsabilités à BioAlliance et AEC Partners, deux entreprises du secteur pharmaceutique. Ce pédiatre a également lancé une web TV d’information sur les questions de santé des plus âgés, un des grands chantiers lancés par Nicolas Sarkozy, avant d’être reporté à… 2013
Mais la fratrie Sarkozy ne s’intéresse pas uniquement à la santé. Olivier Sarkozy, demi-frère de l’actuel Président, est lui particulièrement bien implanté dans le milieu de la finance. Il est membre du conseil d’administration d’United Bank et à la tête de la partie financière de Carlyle, mastodonte américain du secteur de la défense.
Quant à l’épouse du chef de l’Etat, Carla Bruni-Sarkozy, elle est très impliquée dans la sphère culturelle. La fondation qu’elle a créée en tant que Première dame a d’ailleurs pour vocation de «faciliter l’accès à l’éducation, à la culture et aux pratiques artistiques pour les publics vulnérables». Elle est également ambassadrice bénévole du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.
Aucune loi n’interdit aux proches du Président d’occuper des postes à responsabilité dans un secteur quelconque, mais l’opacité qu’entretient Nicolas Sarkozy autour de ces conflits d’intérêts potentiels laisse planer le doute.
Emmanuel Daniel
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