«Incontestablement réussi sur le plan du spectacle»: c’est ainsi que l’édito des Echos a perçu le meeting de Nicolas Sarkozy à Villepinte, dimanche 11 mars. Sur ce point, la presse s’accorde plus ou moins: le meeting était impressionnant, la foule acclamant son héraut/héros, ça en jetait.
Le Parisien estime même que Sarkozy a relancé la campagne avec ce meeting. C’était une «démonstration de force réussie», acquiesce Jacques Camus dans son édito de La République du Centre. «Il s'agissait, dans une mise en scène hollywoodienne, de faire passer le meeting de François Hollande au Bourget pour une aimable production de série B. Avec ses dizaines de milliers de figurants venus dans une dizaine de TGV et par centaines de cars, Villepinte n'a donc rien eu à envier, quantitativement, au précédent de la porte de Versailles.» Une nuance? «Il lui a cependant manqué un peu de cette spontanéité qui avait enflammé l'auditoire en 2007, ajoute Jacques Camus. Peut-être parce que Nicolas Sarkozy, lui-même, dans son rôle vedette, a perdu de son magnétisme.»
S’élever au-dessus des polémiques
Mais sur le fond? La presse est plus divisée. Les Echos jugent que «c'est la première fois sans doute, depuis l'entrée du chef de l'Etat dans la bataille électorale, qu'il a réussi à développer une argumentation aussi convaincante pour justifier sa volonté d'accomplir un second quinquennat. Son argument de poids, c'est l'Europe». Avec cet argument, Nicolas Sarkozy a de fait essayé de se sortir des polémiques sur le halal et de s’élever à la stature d’un négociateur européen, celui capable de mettre Angela Merkel de son côté. Les Dernières Nouvelles d'Alsace y voient un succès:
«Pour une reprise en main, qui était le but avoué, ce fut plutôt réussi. Sarkozy a changé de cap et de tactique. La viande halal et les accrochages sur la ligne de démarcation chère au Front national l’avaient ligoté dans une dialectique trop franco-française, vraiment bas de gamme pour un président sortant. Hier, il s’en est dépêtré en se positionnant à l’échelle européenne, parlant de l’immigration par le biais des accords de Schengen et de l’emploi à travers la compétition mondiale. Il a repris ses habits d’ancien président du G20, qui lui avaient donné du lustre en 2011. Ses troupes qui n’attendaient que cela lui en ont été immédiatement reconnaissantes.»
Dans Libération, Paul Quinio est moins élogieux:
«En délaissant les polémiques de cour de récré, le candidat UMP a tenté de prendre une hauteur mitterrandienne de président soucieux de rassembler et d’embrasser un dessein européen. Mais n’est pas Mitterrand qui veut.»
Contradiction
Surtout, ce sont ses «contradictions» qui ont frappé chez le candidat de l'UMP. Dans L'Alsace, Patrick Fluckiger va dans le sens de Libération en soulignant que «quand Hollande réclame la renégociation d'un traité qui n'est pas encore appliqué, le président-candidat n'hésite pas à envisager la suspension de traités en vigueur depuis des années. Il veut coller au plus près des préoccupations des électeurs, ce qui le mène à des acrobaties spectaculaires. Et en l'occurrence, au tête-à-queue». Dans Sud-Ouest, Bruno Dive ironise: «Ses homologues conservateurs de Londres, Madrid ou Berlin, qui refusent de recevoir François Hollande parce que celui-ci veut renégocier le dernier traité européen, vont-ils aussi boycotter Nicolas Sarkozy qui veut à son tour renverser la table?» Yves Thréard, du Figaro, est à l'opposé, ne voyant nulle contradiction et jugeant au contraire:
«Nicolas Sarkozy a été l'avocat d'une Europe préservée pour qu'elle soit plus forte.»
Mais tous prudents, les éditorialistes s’accordent évidemment sur un point: on verra bien dans les prochaines semaines. Ainsi, La Dépêche écrit:
«Sans doute ne faut-il pas trop se focaliser sur le meeting de Villepinte aussi réussi soit-il sur la forme.»