PRÉSIDENT, QUELLE GALÈRE. «Ce n’est pas si facile, quand on n’a pas été Président, on n’imagine pas ce que c’est», a déclaré Nicolas Sarkozy mardi 7 mars, lors de l’émission Des paroles et des actes sur France 2, avant de souligner «la différence extravagante entre la pression sur un ministre et la pression sur un président». Être élu président de la République implique bien sûr une charge de travail considérable, mais Nicolas Sarkozy s’est démarqué des chefs d’Etat précédents en parlant de cette difficulté à plusieurs reprises.
Le candidat de l’UMP se différencie également de ses prédécesseurs par les termes qu’il emploie pour qualifier son poste. Là où la plupart des hommes politiques utilisent l’expression «fonction présidentielle», il n’hésite pas à parler de «métier», comme lors d’une interview télévisée en 2009: «Mon métier est très difficile, il faut beaucoup d'énergie, beaucoup de force pour le faire.» Le mot «travail» est aussi fréquemment utilisé: «Je suis là pour faire un travail, un travail difficile», expliquait-il en novembre 2011.
Le premier travailleur de France
Ce glissement sémantique n’est pas anodin. Une fonction se définit comme une activité par rapport à un but, tandis qu’un métier ou un travail correspondent plus à un moyen de gagner sa vie. La fonction se comprend dans un ensemble plus vaste, comme un Etat, alors que le métier est plus synonyme de carrière personnelle.
Exercer un métier, c’est aussi pouvoir le comparer avec celui des autres. «Votre métier est dur, le mien aussi, mais je le fais», lançait-il ainsi à des ouvriers des chantiers navals de Saint-Nazaire en 2010. Finalement, c'est assez logique pour celui qui s'est fait élire en se faisant le porte-parole de «la France qui se lève tôt», un slogan transformé en «la France qui travaille dur» pour 2012: il est essentiel pour lui d'apparaître comme le premier travailleur du pays. Une manière de coller à l'image de «candidat du peuple» qu'il veut incarner.
Même son entourage s'y met. «C'est quelqu'un qui a une vie d'une austérité extrême», assurait Claude Guéant le 7 mars dans l'émission Questions d'info sur LCP, ajoutant même que le président «ne s'autorise comme loisirs qu'un peu de lecture, qu'un film de temps en temps». Mais c'est sans doute son épouse, Carla Bruni, qui est allé le plus loin dans l'anti bling-bling: «Nous sommes des gens modestes», affirmait-elle dans les coulisses de Des paroles et des actes sur France 2. Il y a trois ans, elle parlait d'un rythme effréné pour son mari.
«Moi je ne suis pas propriétaire de 40 hectares»
Dans sa quête de proximité, le Président sortant va parfois un peu trop loin. Comme lors de cette visite dans une ferme proche de Bayonne, le 2 mars dernier. Deux agriculteurs l’interpellent ce jour-là sur la pénibilité de leur travail. «On n’est pas aux 35 heures», lancent-ils. «Moi non plus», répond Nicolas Sarkozy. «Oui mais on n’a pas le même salaire», renchérissent ses deux interlocuteurs. «Moi je ne suis pas propriétaire de 40 hectares, hein, ok?», finit par s’énerver le candidat.
Sarkozy malmené également dans une ferme basque par LeNouvelObservateur
Un exemple qui montre que Nicolas Sarkozy tient à ce que le caractère difficile de son métier apparaisse clairement aux yeux de tous. Pas question donc d’admettre qu’un agriculteur, même propriétaire de 40 hectares, puisse avoir un sort moins enviable que le sien.
En fin de compte, Nicolas Sarkozy jugerait la pénibilité des différents métiers en fonction de sa situation personnelle, (comme nous tous)? «Président de la République, cela s'apprend à chaque minute et, forcément, cela modifie la vision que l'on a des choses», admettait-il en mai 2011… Avant d’ajouter: «C'est si difficile et si grave.»
Mathieu Perisse
Photo: Nicolas Sarkozy à l'émission Des paroles et des actes sur France 2, le 7 mars 2012. REUTERS/Philippe Wojazer.