C’EST UNE VOIE «TRÈS ÉTROITE» POUR L'APRÈS-ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE que dresse la Cour des comptes dans son rapport public annuel publié mercredi 8 février: l’institution appelle à poursuivre l’effort de «redressement des comptes publics» amorcé en 2011, mais pointe la grande incertitude qui pèse sur les hypothèses retenues par l’actuel gouvernement et la nécessité d’un «effort structurel» comparable à celui réalisé avant l’entrée dans l’euro à la fin des années 1990.
Les sages de la rue Cambon identifient trois nouveautés depuis leur rapport de juin dernier sur les finances publiques: «Les perspectives de croissance se sont nettement dégradées» (la prévision du gouvernement est passée de 2,25% à 0,5%), «de fortes tensions sont apparues sur le marché des titres publics de la zone euro» (l’écart entre les taux des obligations françaises et celui des allemandes s’est accru) et «de nouvelles mesures de redressement des comptes publics ont été décidées par le gouvernement».
Mais ces mesures «pourraient ne pas suffire», selon la Cour, qui critique également le tempo des décisions prises:
«La succession rapide dans le temps de mesures de redressement, au fil des révisions à la baisse des perspectives de croissance, pourrait […] donner aux ménages et aux entreprises l’impression que la réduction du déficit public imposera des efforts sans cesse croissants et les inciter à accroître leur épargne et réduire leur investissement.»
«Scénario de l'inacceptable»
Et donc pénaliser la croissance, pour laquelle la Cour ne se montre en général pas très optimiste: elle a retenu une fourchette comprise entre 1% et 1,5% pour les prochaines années, inférieure à celle du gouvernement actuel ainsi qu’aux hypothèses de François Hollande (qui table dans son programme sur 1,7% en 2013 et 2% en 2014), tandis que François Bayrou table sur 1% en 2013 et 1,5% en 2014.
Sans effort structurel supplémentaire (de nouvelles hausses des impôts mais aussi un «ralentissement des dépenses publiques»), cette croissance molle risque de faire encore «diverger» dans des proportions jamais vues la situation française par rapport à celle de l’Allemagne, et de contribuer à un effet «boule de neige» de la dette, qui atteindrait 100% du PIB en 2015 ou 2016, ce que la Cour des comptes qualifie de «scénario de l’inacceptable».
La publication du rapport s’est accompagné d’une passe d’armes entre la Cour des comptes et Bercy, qui a regretté par écrit une présentation «incomplète, d'autant plus regrettable que les pays européens sont sous le regard permanent des agences de notation et des marchés financiers, qui ne manqueront pas d'appuyer leur analyse sur les conclusions de la Cour».
Sur Europe 1, la ministre du Budget Valérie Pécresse a estimé que l’institution s’était appuyée sur des chiffres «anciens», ce qu’a démenti son premier président, l’ancien député PS Didier Migaud. Valérie Pécresse a également affirmé, à l’issue du conseil des ministres, que le rapport constituait un «avertissement sévère» à l'égard de François Hollande.
Photo: le premier président de la Cour des comptes Didier Migaud, en juillet 2010. REUTERS/Philippe Wojazer.