France / Politique

Une campagne scandée par les polémiques sur les sondages

Temps de lecture : 3 min

DIMANCHE 5 FÉVRIER, MARINE LE PEN a brandi lors d’un meeting à Toulouse le Journal du dimanche du jour, où elle figurait en une sous le titre «Si elle n’est pas là…», en lançant: «Quel aveu de la part du système!»

L’objet de son courroux? Un sondage du quotidien testant l’hypothèse d’un premier tour en son absence. Il y a un peu moins d’un an, elle faisait au contraire l’actualité avec un autre sondage, qui la plaçait en tête du premier tour. Le symbole d’une campagne régulièrement scandée de polémiques sondagières: résumé en cinq épisodes.

1. Quand DSK flotte dans le «surréalisme»

64%-36% face à Nicolas Sarkozy! Ce 20 janvier 2011, après un sondage pourtant très positif de CSA en faveur de son champion, le strauss-kahnien Jean-Christophe Cambadélis dénonce sur son blog «l’overdose de sondages [...] plus ou moins surréalistes» venant «anesthésier la pensée». Sur Slate.fr, François Miquet-Marty, de l'institut ViaVoice, pointe alors que «l’offre politique n’est […] pas structurée» et Pierre Zémor, membre de la commission des sondages, qu’on est seulement «dans une phase ludique faite de souhaits, de préférences, de recherches de positions». Le 14 mai en début de soirée est publié un sondage Ifop pour le JDD donnant DSK encore bien placé au premier tour. Quelques heures plus tard, il est arrêté à New York.

2. Quand Marine Le Pen débouche en tête

Les résultats d’un sondage sont généralement annoncés avec sa publication officielle: ce 5 mars 2011, c’est pourtant exceptionnellement sur des «sources concordantes» anonymes que se fonde l’AFP pour annoncer en avant-première les résultats d’un sondage Harris Interactive/Le Parisien donnant Marine Le Pen en tête du premier tour. Une information qui va lancer une polémique sur les méthodes des sondeurs: le choix des candidats (seule Martine Aubry était testée au PS dans un premier temps), «redressement» appliqué au score de la présidente du FN, gratifications financières attribuées au personnes sondées en ligne… La candidate d’extrême droite sera encore donnée à plusieurs reprises en deuxième position pendant deux mois.

3. Quand Nicolas Hulot est le préféré des écolos

Pendant trois mois, les Français et les sympathisants écologistes interrogés par les sondeurs ont affirmé que leur candidat préféré pour l’investiture EELV était Nicolas Hulot face à Eva Joly, avec généralement une avance se comptant en dizaines de points. Le 29 juin 2011, surprise: l’ancienne magistrate frôle l’élection au premier tour avec 49,75% des voix. Avant de remporter facilement le second avec 58,16% quinze jours plus tard. En cause, le manque de représentativité des échantillons, qui ne reflétaient pas l’électorat de 23.000 à 33.000 votants, dont une bonne moitié de sympathisants.

4. Quand on cherche l’électorat socialiste

Un «déni de démocratie», un «matraquage», une «fumisterie»… Un mois avant le premier tour, les équipes de Ségolène Royal et Martine Aubry n’ont pas de mots assez durs pour dénoncer les sondages sur la primaire, en raison, notamment, de leurs échantillons extrêmement réduits (jusqu’à 400 personnes, contre 1.000 généralement) et de l’incertitude sur la participation (qui sera finalement de 6% à 6,5% du corps électoral, là où jusqu’à 18% des sondés disaient qu’ils pourraient se rendre aux urnes). Le verdict final du premier tour donnera un écart un peu moins important que prévu entre François Hollande et Martine Aubry, et une surprenante quatrième place pour Ségolène Royal. Au second tour, la première secrétaire s’inclinera face à celui qu’elle qualifiait de «candidat du système des sondages».

5. Quand on réduit l’offre à droite

Dites 33! Comme 33% pour Sarkozy et 33% pour Hollande, résultat inédit auquel a abouti l’Ifop le 5 février 2012 en réalisant un sondage sur une offre électorale réduite à laquelle manque notamment Marine Le Pen.

Exercice de «politique-fiction» pour l’UMP Xavier Bertrand ou révélateur de manœuvres «visant à museler la démocratie et à empêcher toute opposition au système» selon le FN Louis Aliot, ce sondage n’a pas été critiqué seulement pour ses implications politiques, mais aussi méthodologiques: sur son blog, le chercheur Alain Garrigou l’a qualifié de push poll (sondage qui a pour but de manipuler la campagne) en pointant qu’il élimine toutes les «petites» candidatures à droite mais aucune à gauche. Interviewé par le commanditaire du sondage, Frédéric Dabi, le directeur général adjoint de l'Ifop, a lui expliqué que l'institut se faisait un «devoir de mesurer une hypothèse, d'ailleurs évoquée par plusieurs candidats».

Jean-Marie Pottier

Photo: la une du Journal du dimanche du 6 février 2012.

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