Vous n'avez peut-être jamais entendu parler de la «Wilson Initiative», un groupe de cinq économistes et d'un professeur en sciences politiques catalans qui militent, chiffres à l'appui, pour l'indépendance de la région. Ils font pourtant partie des économistes qui «influencent le plus le monde aujourd'hui» selon le blog spécialisé «Marginal Revolution».
A tel point que le Wall Street Journal vient de consacrer un article à ces «universitaires qui sont sortis de la tour d'ivoire pour rentrer dans une bataille politique aux enjeux importants pour l'Espagne et le reste de l'Union européenne, y compris pour sa monnaie unique».
La clef du débat passionné autour de l'indépendance de la Catalogne, communauté autonome espagnole qui défend son identité culturelle et dispose déjà de son propre parlement régional, est en effet économique. Pour les six experts, issus d'universités prestigieuses comme Harvard, Princeton, Columbia ou la London School of Economics, cela ne fait pas de doute: l'économie de la région est freinée par son appartenance à l'Espagne et est assez dynamique pour s'en sortir toute seule, voire pour devenir un poids lourd économique européen.
Ils remettent notamment en cause le système espagnol de partage des recettes fiscales entre les 17 régions, qui fait que la Catalogne contribue à hauteur de 16 milliards d'euros par an, soit environ 2.000 euros par habitant selon leurs calculs. Très présents dans les médias, sur Internet ou dans les réunions publiques, ils répondent point par point aux argument de ceux qui estiment que l'indépendance pourrait avoir des conséquences négatives pour la région, donnant ainsi une légitimité importante à la cause qu'ils défendent.
Pour certains économistes, les universitaires de la «Wilson Initiative» (du nom du président américain et défenseur de l'autodétermination des peuples Woodrow Wilson) ont tendance à parler en tant que Catalans plus qu'en tant qu'économistes, surestimant les bénéfices et à sous-estimant les coûts de transition et les dégâts potentiels pour l'économie espagnole voire européenne.
«J'attends toujours qu'on m'explique pourquoi l'indépendance de la Catalogne ne sonnerait pas le glas fiscal de l'Espagne, et [entraînerait] une dépression dans toute la zone euro», écrit le blog Marginal Ravolution.
Interviewé par le Wall Street Journal, Francesc Trillas, un économiste de l'université autonome de Barcelone favorable à plus d'autonomie mais pas à l'indépendance, estime quant à lui que Xavier Sala-i-Martin, le plus médiatique des six experts, «a fait du travail sérieux mais est devenu frivole».
Encouragé par des sondages montrant qu'une majorité de la population est favorable à une sécession, le parlement catalan a récemment voté la tenue d'un référendum le 9 novembre 2014. Le chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, a estimé qu'un tel scrutin serait anticonstitutionnel et a annoncé que la Catalogne ne pourrait ni organiser de référendum, ni accéder à l'indépendance tant qu'il sera au pouvoir.