Et si l'une des solutions aux questions énergétiques se trouvait au Danemark? Dans ce petit pays nordique, les énergies renouvelables progressent à marche forcée.
Elles contribuent déjà pour 36% au bilan électrique grâce notamment aux multiples éoliennes, terrestres et offshores, dont le pays est devenu un symbole; pour le meilleur mais aussi, parfois, pour le pire, puisque par gros vent, celles-ci ont tendance à perturber les réseaux électriques nord-européens.
En matière de chauffage domestique aussi, les Danois sont en passe de désintoxiquer largement des hydrocarbures: en 2011, 41% du chauffage était fourni via des sources d'énergies renouvelables, selon un rapport de l'agence danoise de l'énergie. Pour mémoire, en France, le chauffage est issu dans cet ordre: du gaz naturel, de l'électricité, et du fioul.
Au total, tous usages confondues –électricité, chauffage, usages industriels et transports–, les énergies renouvelables contribuent donc pour 24% à la consommation finale brute d'énergie danoise (contre 11,5% pour la France).
Certains pays font mieux, comme la Norvège (65%), où l'énergie hydraulique règne en maître. Certains émettent moins de CO2 par habitant, comme la France, grâce au nucléaire. Mais rares sont ceux où la part des renouvelables a progressé aussi vite: +60% depuis 2004.
Si les émissions de CO2 par tête du Danemark restent malgré tout dans la moyenne élevée de l'OCDE, en raison notamment du poids persistant du charbon, et du pétrole dans les transports, elles sont en revanche inférieures dans le domaine de la production d'électricité et du chauffage, comme le notait un rapport récent de l'Agence internationale de l'Energie.
L'explication? Elle vient de l'organisation très particulière du système de chauffage danois.
«Avant le premier choc pétrolier, nous dépendions à 90% du pétrole importé», rappelait Brian Vad Mathiesen, professeur associé à l'université d'Aalborg, lors des journées energycities organisées en juin 2013 à la Maison du Danemark. Le choc pétrolier, puis la découverte d'hydrocarbures dans les eaux territoriales danoises, ont poussé le pays à revoir complètement sa vision des choses.
Chaque commune a dû réaliser des plans énergétiques et le gouvernement a de son côté mis en place des orientations énergétiques fortes pour favoriser certaines énergies, et en bannir d'autres. Au-delà des économies réalisées en volume d'énergie consommée, le mouvement s'est aussi soldé par la construction d'un système énergétique très décentralisé, avec notamment de nombreux réseaux de chaleur dans les villes danoises: très rares en France –bien qu'il en existe quelques-uns, notamment un à Paris– les réseaux de chaleur fournissent là-bas 54% du chauffage net du pays (contre 5% environ dans l'Hexagone). Leur principe? Il consiste –très grossièrement– en une très grosse chaudière d'un côté, qui produit la chaleur, et, de l'autre, des kilomètres de canalisations qui transportent l'eau chaude dans les radiateurs des habitations.
Depuis une quinzaine d'années, la plupart de ces chaudières collectives (63%) sont en réalité des installations de cogénération qui alimentent donc aussi leurs clients en électricité, ce qui permet un meilleur rendement de l'énergie utilisée.
Jadis, l'immense majorité de ces réseaux de chaleur fonctionnaient grâce au gaz naturel. Aujourd'hui, de plus en plus souvent, ils tournent, au moins en partie, grâce à des énergies renouvelables, comme les déchets, la biomasse, ou les pompes à chaleur (géothermie).
Des pompes à chaleur elles-mêmes alimentées, le cas échéant, à l'électricité d'origine éolienne. Les réseaux de chaleur tentent en outre actuellement d'utiliser l'électricité solaire ou éolienne lorsque celle-ci est abondante pour maintenir chaude l'eau produite en surplus par la centrale et stockée dans d'énormes tanks. «C'est plus ou moins une sorte de smart grid», explique Brian Vad Mathiesen. Et à chaque fois qu'un réseau de chaleur verdit son bilan carbone, ce sont des centaines, voire des milliers de foyers qui, d'un coup, voient leur impact sur l'environnement diminuer.
Dernière particularité: ces réseaux de chaleur sont en général des coopératives détenues par les habitants qu'elles desservent. Sans but lucratif, elles bénéficient à ce titre de la confiance de leurs adhérents-clients lorsqu'elles investissent pour passer aux énergies renouvelables: ce statut leur assure qu'il ne s'agit pas de réaliser des profits à leur détriment.
Pour les habitations isolées qui ne peuvent se raccorder à un réseau de chaleur, la loi est sévère: le chauffage électrique individuel étant déjà interdit, depuis 2013, l'installation de chaudière au fioul ou au gaz dans les nouveaux bâtiment est elle aussi bannie. Pas d'autre solution, donc, que de construire des batiments très peu énergivores et alimentés aux renouvelables.
Dès 2035, le Danemark compte de la sorte arriver à produire son électricité et son chauffage sans hydrocarbure. Avant de viser carrément, pour 2050, un bilan énergétique global totalement dénué de pétrole, de gaz et de charbon. Le challenge dans les transports, cependant, n'est pas près d'être réussi.
En France, l'Ademe essaie elle aussi de promouvoir les réseaux de chaleur. Depuis 2006, un fonds chaleur aide les réseaux ayant un bon rendement et utilisant une proportion minimale d'énergie renouvelables. De nombreux projets, du reste, ont ces dernières années vu le jour. Le mouvement vers les énergies vertes, cependant, ne pourra pas être aussi rapide qu'au Danemark: depuis les années 1970, de nombreuses constructions neuves, y compris dans l'habitat collectif, ont été construites dès l'origine avec un chauffage électrique. Y faire passer les canalisations indispensables pour un réseau de chaleur n'y est guère rentable.
Catherine Bernard