Économie

Le mea culpa du FMI sur la Grèce: c'est pas moi c'est les autres

Temps de lecture : 2 min

Les autres? La BCE et l'Union européenne. Quant aux Grecs, ils vont connaître leur sixième année consécutive de récession...

Distribution de fruits et légumes à Athènes par des agriculteurs qui protestent contre une réforme de leur statut, en mai 2013. REUTERS/John Kolesidis
Distribution de fruits et légumes à Athènes par des agriculteurs qui protestent contre une réforme de leur statut, en mai 2013. REUTERS/John Kolesidis

Dans une note qui n’était pas destinée à la publication, le FMI admet des erreurs dans le plan de sauvetage de la Grèce auquel il a participé en 2010. Mais il n’est pas prêt à en endosser seul la responsabilité: intervenir dans une union monétaire comme la zone euro était une première et le fonctionnement de la troïka (FMI, BCE et Union européenne) n’aurait pas été optimal…

Reconnaître que les choses ne se sont pas passées comme prévu était inévitable. Au moment où le plan d’aide à la Grèce a été élaboré, il était prévu que le PIB baisserait de 5,5% entre 2009 et 2012; en fait la chute a été de 17%! Quant au taux de chômage, au lieu de s’établir à 15% comme prévu, il est monté en 2012 à 25%. Déjà, au début de cette année, le FMI avait admis qu’il s’était trompé dans son hypothèse de travail concernant le «multiplicateur budgétaire»: il avait estimé que le PIB baisserait simplement de 0,5 point pour chaque point d’ajustement budgétaire (baisse des dépenses ou hausse des impôts).

En fait, selon les calculs faits ultérieurement, ce multiplicateur aurait oscillé entre 0,9 et 1,7 point. Ce qui n’est pas une mince affaire: quand le multiplicateur est supérieur à un, cela veut dire que le PIB recule plus vite que le déficit public et que plus vous faites d’efforts, plus votre déficit s’aggrave en pourcentage du PIB...

Donc maintenant, le FMI est bien obligé d’admettre que ce programme de sauvetage a posé un problème. Mais la façon dont il le fait est assez originale. Car ses torts sont jugés très faibles. Selon les auteurs de la note, la conception générale du plan était appropriée; compte tenu de la gravité de la situation budgétaire du pays, il fallait y aller franchement; il n’est pas du tout certain qu’il aurait été possible de procéder plus doucement. C’est peut-être vrai, mais dans le bulletin du FMI du 18 janvier dernier, un certain M. Thomsen affirmait le contraire: «Dès le début, le FMI a préconisé une période d’ajustement plus longue.» Il faudrait savoir…

En tout cas, le FMI ne se reconnaît en fait qu’une seule maladresse: il aurait dû être un peu moins interventionniste dans l’administration fiscale grecque de façon à donner au pays la possibilité de s’approprier davantage les réformes nécessaires. Pour le reste, s’il y a eu des problèmes, c’est surtout parce que le pays est membre de la zone euro et qu’il fallait travailler avec ses partenaires.

A la différence de ses interventions dans les pays émergents aux côtés de la Banque mondiale, où chacun sait ce qu’il a à faire, le FMI déplore qu’il n’y ait pas eu une claire répartition des tâches au sein de la troïka. Un des principaux enseignements de la crise grecque serait donc la nécessité de rationaliser le processus d’intervention avec la BCE et l’Union européenne.

Par exemple, le FMI souligne que le problème de la dette grecque a été aggravé par le fait que la restructuration de cette dette a eu lieu trop tardivement. Sans que cela soit dit nettement, on peut comprendre que l’affaire aurait plus rondement menée si le FMI avait été seul aux manettes.

Comme on pouvait s’y attendre, cette note a été assez mal accueillie en Europe et un porte-parole du FMI a dû tenter de rattraper le coup en affirmant que la troïka avait bien travaillé. Mais, sur le fond, il paraît difficile de considérer le texte du FMI comme un véritable mea culpa.

En tout cas, rien ne change pour les Grecs, qui sont bien partis pour connaître leur sixième année consécutive de récession, avec encore un recul de 4,2 % du PIB en 2013, juste un peu moins prononcé que la chute des années précédentes (7,1% en 2011, 6,4% en 2012), selon le FMI.

Gérard Horny

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