Économie / Politique

Emploi: l'Amérique n'est plus l'Amérique

Temps de lecture : 2 min

Le modèle d’hier ne fonctionne plus. Fini l'eldorado des travailleurs: qui perd son job n’en retrouve pas un de sitôt.

«J'ai besoin d'un emploi», manifestation devant le Capitole, à Washington, en 2011. REUTERS/Jason Reed
«J'ai besoin d'un emploi», manifestation devant le Capitole, à Washington, en 2011. REUTERS/Jason Reed

En 1993, Bill Clinton avait résumé l'impératif de créer des emplois d'une formule simple et directe: «Jobs, jobs, jobs». Aujourd’hui, c'est devenu un casse-tête pour le président Barack Obama.

L’économie américaine n’a créé que 96.000 postes en août dernier, chiffre décevant, qui reflète le fort ralentissement de la croissance et qui augure mal de l’avenir proche. Le taux de chômage n’a reculé que de 10% au pire de la crise, en octobre 2009, à 8,1% aujourd’hui.

La hauteur persistante de ce pourcentage laisse les Américains perplexes: en quatre ans, Barack Obama n’est pas parvenu à marquer des points sur le thème de l’emploi. Les Républicains s’engouffrent dans la brèche pour parler «d’échec» et promettre qu’ils feront mieux. L’emploi est à nouveau la statistique clé de l’élection présidentielle.

Dérèglement

Le phénomène remarquable, derrière le combat pour la Maison Blanche, est un dérèglement profond du marché du travail aux Etats-Unis. Le modèle d’hier ne fonctionne plus. La mécanique libérale toute simple qui voulait qu’un salarié n’ait pas besoin de protection spéciale puisqu’il retrouvait facilement et rapidement un autre emploi au lendemain de son licenciement, quitte à changer d’Etat et à accepter momentanément une baisse de son salaire, cette mécanique est enrayée. La durée au chômage l’illustre: plus de 40% des chômeurs le sont depuis 27 semaines ou plus, du jamais vu!

Après les années négatives de 2008 et 2009, la reprise a permis un regain des créations nettes d’emplois à partir du début 2010. Mais depuis cette date, la machine économique n’a été capable d’engendrer que 97.000 emplois par mois en moyenne, score juste suffisant pour absorber les nouveaux entrants sur le marché du travail. L’Amérique n’est plus cet Eldorado des travailleurs comme naguère: qui perd son job n’en retrouve pas un de sitôt.

Innovation essoufflée

Cette «européanisation» du marché du travail américain, provoque l’angoisse d’une middle class qui souffre aussi, parallèlement, d’un recul de son niveau de vie. Le salaire médian baisse ces dernières décennies, seuls les plus hauts revenus montent. La mobilité intergénérationnelle dont se flatte l’Amérique, «terre d’opportunités», se restreint. Emploi, inégalités: les deux maux s’additionnent pour inquiéter les électeurs devant l’avenir.

En outre, troisième facteur qui explique les ratés de la reprise américaine et les difficultés d’Obama: l’innovation n’est plus si féconde. La victoire d’Apple sur le coréen Samsung emportée devant les tribunaux est trompeuse: là encore, le beau modèle libéral que symbolise la Silicon Valley marque le pas devant le systématisme étatique asiatique.

Enseignement inadapté

Politique de recherche développement, protection des copyrights, et surtout éducation, constituent des priorités parmi les recommandations de l’OCDE dans son dernier rapport sur les Etats-Unis.

Si l’adéquation entre les demandes et les offres d’emplois ne se font plus aussi facilement, la raison est à rechercher du côté de la mauvaise adaptation de l’enseignement américain aux nouveaux métiers et aux nouvelles technologies. En Amérique, comme partout ailleurs, la qualité du système éducatif occupe le premier rang des impératifs pour l’emploi.

L’université aux Etats-Unis reste un modèle envié et copié, riche et ouvert. Mais les insuffisances du secondaire deviennent aujourd’hui de plus en plus pénalisantes. Si le modèle du marché du travail est à ce point déréglé, si l’Amérique n’est plus l’Amérique, elle doit en rendre responsable son école.

Eric Le Boucher

Article également paru sur Emploiparlonsnet.fr

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