Culture

«Game of Thrones», saison 8, épisode 5: «Les Cloches», récap et analyse

Temps de lecture : 11 min

[ATTENTION SPOILERS] Toutes les questions que l'on se pose après l'épisode 5 de la saison 8 de «Game of Thrones» (et toutes nos réponses).

Il fallait dracarys Cersei, pas dracarys toute la ville... | Capture d'écran
Il fallait dracarys Cersei, pas dracarys toute la ville... | Capture d'écran

Ça y est, comme l'hiver, la saison 8 de Game of Thrones est enfin arrivée. Pendant les six semaines de sa diffusion, on analysera chaque nouvel épisode, et on vous aidera à y voir plus clair. D'ailleurs, si vous avez des questions, vous pouvez nous écrire sur Twitter, peut-être qu'on y répondra la semaine suivante!

Eh bé! Daenerys est passée de 0 à 100 très, très vite, non?

Daenerys a toujours eu des petites tendances exaltées et fanatiques. De la saison 1, où elle avait pris un peu trop de plaisir à voir tuer son connard de frère, jusqu'à la saison 7 et son exécution des Tarly. Elle a aussi toujours cru dur comme fer en sa destinée quasi messianique. Lors de sa première rencontre avec Jon dans la saison 7, elle lui explique ainsi que ce qui l'a maintenue en vie après tous les traumatismes qu'elle a subis était sa foi en elle-même: «Je suis née pour régner sur les Sept Royaumes et je régnerai.» Daenerys est l'élue de sa propre histoire, son destin est d'être au pouvoir et toutes les personnes qui ont douté d'elle en ont payé le prix fort.

Et puis son père était littéralement surnommé le Roi Fou et adorait regarder des gens brûler, donc niveau profil génétique, elle était pas aidée. Dans la série, plusieurs personnages lui rappellent les erreurs de ses aïeux pour l'appeler à la mesure et à la prudence. Elle-même a bien conscience de son lourd héritage et demande ainsi à Jon de «ne pas juger une fille à la lumière des péchés de son père».

Daenerys a aussi perdu, dans les sept derniers épisodes, ses deux amis les plus fidèles, deux de ses dragons, un amant qui est devenu son neveu-rival (lol), et des conseillers qui ont de moins en moins confiance en elle. Tous les ingrédients sont donc là pour expliquer sa plongée dans la folie. Et pourtant, sa transformation ne fonctionne pas. Pourquoi?

Déjà, parce que malgré ses tendances tyranniques, Daenerys a aussi toujours été présentée comme un personnage avec énormément d'empathie pour les faibles et les opprimés. On peut comprendre sa rage meurtrière envers Cersei, mais pas son carnage contre des milliers de victimes innocentes, alors même que les forces de Port-Réal venaient de capituler. Seule la folie peut expliquer ses actes, mais quand la série la fait passer de personnage rationnel avec un petit côté tyrannique, à folle furieuse génocidaire en un épisode, ça fait quand même un choc. Bien-sûr, on s'y attendait, mais ça aurait pu être mieux amené.

Le problème avec les deux dernières saisons, c'est que des développements qui auraient mérité des saisons entières de contextualisation pour tenir la route sont expédiés en quelques épisodes. L'histoire d'amour entre Daenerys et Jon, qui est cruciale dans l'intrigue puisqu'elle explique en partie le sentiment d'isolement de la première et l'allégeance aveugle du second, a été tellement bâclée qu'on y a jamais vraiment cru. Et c'est la même chose pour la transformation de Daenerys: il aurait fallu la voir sombrer peu à peu dans la folie au fil de nombreux épisodes pour que ses actes aient du sens. Mais les scénaristes étaient apparemment saoulés par la série après avoir bossé dessus pendant dix ans et ils ont décidé que deux saisons réduites seraient suffisantes pour clore toutes les intrigues. Sauf que transformer l'héroïne principale en antagoniste complètement frappadingue méritait un peu plus de temps et d'application pour que ce revirement ne soit pas ressenti comme une grosse trahison narrative.

Ouh là. Vous y allez un peu fort, non?

En fait, la transformation de Daenerys aurait pu être tragique et bouleversante. Sur le papier, c'est un très bon twist, complètement en adéquation avec la tendance qu'a Game of Thrones à renverser les codes de l'histoire. Mais à cause de cette négligence dans l'écriture, cela ressemble plus à un cliché sexiste sur les femmes et le pouvoir, qui a du mal à passer auprès de nombreux médias. Comme l'a noté la critique américaine Maureen Ryan, «le message central de Game of Thrones est apparemment devenu “les meufs sont tarées”».

Si Daenerys a toujours eu une poigne de fer, ce revirement soudain va beaucoup plus loin et semble la transformer en hystéro complètement parano qui a laissé le pouvoir lui monter à la tête, et qui perd la boule parce que son mec refuse de l'aimer. C'est en effet quand Jon ne lui rend pas son baiser qu'elle lui rétorque qu'elle choisit «la peur». (Tandis que Jon, évidemment, reste le mec droit et équilibré de l'histoire.) C'est un préjugé misogyne qui perdure encore dans nos sociétés: l'idée qu'une femme est trop instable émotionnellement pour gouverner. Vous ne nous croyez pas? Regardez le traitement médiatique sur Hillary Clinton ou Ségolène Royal.

Et il suffit de faire la comparaison avec le personnage de Jon Snow pour voir où est le problème: Jon est perçu comme un bon leader, alors qu'il ne souhaite pas régner. Daenerys, elle, est punie pour son ambition. Jon a perdu de nombreux alliés et amis (et sa petite amie) depuis le début de la série, et il a même été trahi par les membres de la Garde de nuit qui l'ont littéralement tué. Pourtant, il n'a jamais vrillé, contrairement à Daenerys. Le pire, c'est le gros plan au début de l'épisode sur le visage de Daenerys, décoiffée et les yeux bouffis: si vous n'avez pas compris à ce moment-là qu'elle allait devenir folle, on ne sait pas ce qu'il vous fallait de plus.

Capture d'écran

Pour que ce revirement de dernière minute paraisse mérité, il aurait non seulement fallu que la série consacre plus de temps au deuil et à la santé mentale de Daenerys ces dernières saisons, mais surtout qu'elle s'intéresse à sa vie intérieure tout court. Sa seule amie est Missandei, et on peut compter leurs scènes d'intimité sur les doigts d'une main. Depuis le début de la série, Daenerys n'a toujours été qu'un objet de désir et de fascination pour les autres et n'a été vue qu'à travers les yeux des hommes qui l'entourent: Jorah, Viserys, Daario, Tyrion, Varys, Jon… On a eu droit à d'innombrables scènes où ils parlent d'elle, mais on l'a rarement vue parler d'eux.

Et le fait que les scénaristes et le réalisateur de l'épisode fassent complètement disparaître son point de vue dans cet épisode en dit long sur le peu de considération qu'ils ont pour ce personnage, au-delà du facteur choc. Une fois que son attaque est lancée, est-elle en colère? Dévastée par le deuil? Terrifiée par l'étendue de son acte? A-t-elle des moments d'hésitation alors qu'elle réduit en cendres une population qu'elle voulait sauver dix minutes plus tôt? On ne le saura jamais. Daenerys demeurera pour tout le reste de l'épisode une menace sans visage et sans personnalité.

Elle crame les gens pendant longtemps quand même, non?

On pensait qu'elle allait juste péter un câble pendant cinq minutes mais non, elle survole chaque rue et chaque coin de Port-Réal comme si elle essayait de nettoyer sa terrasse au karcher!!! C'est quand même incroyable de nous montrer une héroïne commettre un tel acte, pendant autant de temps, sans que la caméra ne montre une seule fois ce qu'elle ressent.

Dany a une médaille d'or en slalom dont elle nous avait pas parlé?

Parce qu'elle est soudainement capable d'éviter et de prédire les tirs de dizaines d'arbalètes géantes, qui ont pourtant déjà abattu un de ses dragons et blessé l'autre.

Il doit jamais faire le plein Drogon?

Sérieusement, il le sort d'où tout ce feu?

Et vraie question: comment il arrive à calibrer son jet?

Genre un coup il te crame trois kilomètres cubes, un coup il arrive à juste cramer Varys sans toucher tous les gens qui sont autour de lui.

Ok, la trajectoire de Daenerys est mal écrite, et les autres personnages alors?

Comme Daenerys, plusieurs personnages sont complètement diffamés dans cet épisode, qui vient détruire toute la logique bâtie dans les saisons précédentes. Tyrion décide de trahir son meilleur ami, Varys, alors qu'ils discutaient de trahison ensemble dans l'épisode précédent. Pire, alors qu'il a toujours été très lucide sur les leaders qui l'entourent, il continue de croire que Daenerys est une sauveuse charitable ET continue de parler de l'enfant de Cersei comme si ça allait changer quoi que ce soit! Mec, ça fait cinq épisodes que cet argument ne marche pas, arrête maintenant!

Côté incohérences, on a aussi Jon qui n'arrête pas de répéter que Daenerys est «sa reine» et de lui témoigner une loyauté aveugle, alors qu'il a toujours su faire la part des choses dans ses allégeances passées. Même pour Ygritte, qui était l'amour de sa vie (déso pas déso), il n'a pas renoncé à son code de l'honneur.

Le revirement express de Daenerys sape même des personnages comme Grey Worm: certes, il lui a toujours été loyal, et il est en colère pour la mort de Missandei. Mais c'est un ancien esclave qui s'est rallié à Daenerys parce qu'elle représentait la fin des tyrans, et alors qu'il la voit se transformer en ce qu'elle prétendait combattre… il se met à tuer tout le monde avec elle. Voir tous ces personnages se trahir de plus en plus chaque semaine dans des épisodes plutôt mal écrits, et qui se déroulent à toute vitesse tout en étant complètement vides de substance, c'est assez crevant.

Non parce que franchement, ils avaient 20 minutes de plus par épisode et c'est ça qu'ils ont décidé de faire?

Le pire avec ces derniers épisodes, c'est de réaliser qu'ils n'utilisent pas du tout correctement leur durée étendue. Cet épisode aurait pu faire 55 minutes, si le monteur s'était un peu moins lâché sur les plans hyper redondants et à la limite du torture porn de femmes et d'enfants en larmes et en sang, et de gens en train de hurler de douleur. C'est bien de montrer la perspective du peuple victime de la guerre, mais peut-être qu'ils auraient mieux fait d'utiliser ces 20 minutes supplémentaires pour écrire un peu plus les moments qui devraient avoir du sens, et qui se retrouvent complètement expédiés?

C'est nous ou la réalisation de la scène du Cleganebowl était carrément kitsch?

À plusieurs moments dans l'épisode, le CGI est un peu too much. Mais le pire, c'est dans cette scène, dont on est sûres qu'elle va mal vieillir quand on la reverra dans quelques années (honnêtement elle a déjà mal vieilli entre lundi soir et mardi matin).

Et alors, le fameux Cleganebowl, qu'est-ce qu'on en a pensé?

C'était une des confrontations dont de nombreux fans rêvaient... et ça fait l'effet d'un pet mouillé. Comme pour le revirement de Daenerys, la rivalité entre les frères Clegane a été bâtie depuis longtemps et aurait pu se conclure de manière satisfaisante. Mais Sandor semblait beaucoup plus apaisé ces derniers temps, et, depuis son retour dans la saison 6, il n'a que vaguement montré un intérêt pour sa vengeance envers son frère. Comme tout le reste, cette intrigue a été un peu expédiée à la dernière minute, et arrive comme un cheveu sur la soupe. Et puis, c'est assez bête que Sandor soit mort en essayant de tuer quelqu'un… qui est déjà mort.

Le seul aspect positif de cette intrigue, c'est que les scénaristes ont eu l'intelligence de lier Arya et Sandor narrativement jusqu'à la mort de celui-ci. C'est un des personnages avec qui Arya a passé le plus de temps, et avec qui elle s'est construite, et leurs derniers échanges sont vraiment poignants, parce qu'ils se témoignent tous les deux une affection totalement inédite. Le moment où il prend le visage d'Arya dans ses mains, et celui où elle l'appelle Sandor pour la première fois, font partie des plus beaux de l'épisode –en plus, l'acteur et l'actrice sont remarquables.

Jaime qui dit qu'il s'en fout des habitants de Port-Réal alors qu'il a tué le Roi Fou pour sauver… les habitants de Port-Réal, c'est pas un peu gros quand même?

En même temps, on n'est plus à ça près.

ET OÙ EST YARA????

Elle a intérêt à apparaître dans le dernier épisode, sérieusement. Sinon elle n'aura vraiment servi à rien.

Du coup… Personne n'a tué Cersei en fait?

Les scénaristes ont visiblement revisité la prophétie qui disait que Cersei allait mourir des mains de son petit frère... Jaime a effectivement pris le visage de Cersei dans ses mains, mais c'était par amour, avant qu'ils meurent tous les deux ensemble.

C'est une des rares réussites de l'épisode: en quelques instants, The Bells retourne complètement notre allégeance. Déjà en voyant les soldats Lannister essayer de protéger la foule, puis rendre leurs armes, on assiste à des moments pleins d'humanité qui nous font immédiatement changer de perspective sur le massacre. Et qui aurait cru que la peur de Cersei puisse autant nous bouleverser? Lena Headey, une des meilleures actrices de la série, est juste incroyable dans l'épisode; la scène où elle aperçoit Jaime, alors qu'elle pensait avoir été abandonnée de tous, est un sublime moment de vulnérabilité pour un personnage qui n'en exprime presque jamais. On pensait que plus aucune rédemption n'était possible pour Cersei, et finalement, c'est elle qui parvient le plus à nous émouvoir en l'espace de quelques regards. Et même si personne ne l'a finalement tuée, sa mort dans les bras de Jaime était à la fois surprenante, fatidique et poétique.

Pour aller déposer une fleur sur la tombe de votre perso préféré dans notre cimetière virtuel, c'est par ici.

En vrac

– Petite pensée pour Brienne qui a servi de rebound à Jaime avant qu'il ne décide finalement de revenir vers son ex. La première femme chevalier de Westeros méritait mieux que ça.

– On sait que Sandor lui a dit que la vengeance ne menait qu'à la mort, mais on a du mal à imaginer Arya ne pas vouloir s'en prendre à Daenerys après le massacre auquel elle vient d'assister.

– Franchement Jon est devenu tellement inutile, c'est déprimant.

– Comme d'habitude, Peter Dinklage est excellent. La scène où Tyrion fait ses adieux à Jaime et lui dit qu'il ne serait pas en vie sans lui est peut-être la plus poignante de l'épisode.

– L'interprétation d'Emilia Clarke a beaucoup été critiquée au fil des années (comment oublier «Where are my dragons?») mais elle joue très bien les dingos –heureusement parce que son jeu était littéralement le seul élément soutenant la métamorphose soudaine de Daenerys.

– Le point positif de l'épisode, c'est que tonton Euron est enfin mort, le point négatif, c'est qu'on a passé dix minutes à le regarder se battre avant que ça arrive.

– Ah tiens, Jean Dupont de la Golden Company, on l'avait presque oublié.

Capture d'écran

– Et d'ailleurs la Golden Company: lol tout ça pour ça!

– Le plus gros problème de la série depuis qu'elle ne suit plus les livres, c'est que plus aucune action n'a de conséquence, comme cet article (en anglais) le résume très bien.

– Franchement les soldats du Nord, ils auraient mieux fait de rester chez eux plutôt que de se battre pour deux folles qu'ils connaissent pas.

– En gros le dragon a juste eu l'avantage sur les bateaux parce que Euron n'avait pas de lunettes de soleil.

Capture d'écran

– Note au monteur: c'est bon on a compris, les gens brûlent.

– AH ça fait du bien de voir Qyburn se faire exploser la tronche quand même.

– Lol Cersei avec Sandor et Gregor, elle est là «je vous laisse régler vos histoires entre vous hein».

– Toutes nos condoléances aux parents des 560 bébés américains qui ont appelé leur fille Khaleesi, et à tous ceux qui se sont fait tatouer «mother of dragons» sur l'épaule.

– Ok Missandei a dit «Dracarys» avant de mourir, mais il fallait dracarys Cersei, pas dracarys toute la ville.

– On est quand même curieuses de voir où l'histoire va aller dans le dernier épisode, après cette destruction totale de Port-Réal et de tous les codes scénaristiques de la série.

GOT, ultime saison
«Game of Thrones», saison 8, épisode 4: «Les Derniers des Stark», récap et analyse

Épisode 4

«Game of Thrones», saison 8, épisode 4: «Les Derniers des Stark», récap et analyse

«Game of Thrones», saison 8, épisode 6: «Le Trône de fer», récap et analyse

Épisode 6

«Game of Thrones», saison 8, épisode 6: «Le Trône de fer», récap et analyse

Newsletters

L'homme de 72 ans qui a menti sur son âge pour servir durant la Première Guerre mondiale

L'homme de 72 ans qui a menti sur son âge pour servir durant la Première Guerre mondiale

Il a été l'un des plus vieux combattants sur le front pendant la Grande Guerre.

Médée, Antigone, Méduse... La mythologie grecque est pleine de femmes badass

Médée, Antigone, Méduse... La mythologie grecque est pleine de femmes badass

Fortes et tenaces, les figures féminines des récits antiques n'hésitent pas à se dresser contre les injustices et à tenir tête aux rois ou aux divinités masculines.

Le jeu vidéo «Prince of Persia» cache une histoire de famille

Le jeu vidéo «Prince of Persia» cache une histoire de famille

Dans «Replay», son premier roman graphique réalisé en solo, le créateur de jeux vidéo Jordan Mechner retrace une histoire qui relie des aquarelles d'Hitler, l'Apple II, l'exil de son grand-père autrichien en 1938 et le célèbre jeu vidéo.

Podcasts Grands Formats Séries
Slate Studio