Boire & manger / Médias

La reprise de «Top Chef» ou la joie des commencements

Temps de lecture : 3 min

Les meilleurs épisodes sont toujours au début.

Dans un premier épisode, tous les rêves sont permis. | Capture d'écran via 6play
Dans un premier épisode, tous les rêves sont permis. | Capture d'écran via 6play

«Le chocolat blanc, je l'entends pas. Y a pas de résonance.» C'est avec cet assemblage de mots qui n'ont aucun rapport les uns avec les autres, prononcés au bout de vingt minutes d'émission, que le chef Glenn Viel nous rappelle une fois de plus l'irrésistible absurdité d'une nouvelle saison de «Top Chef». L'émission où les aliments, tels des Pères Castor du frigo, ne sont pas là pour être mangés mais pour nous raconter des histoires. L'émission où l'on ne cuisine pas avec des poêles et des casseroles mais avec de l'azote et des trous dans la terre. L'émission où l'on ne doit pas goûter le chocolat blanc, mais l'entendre.

Malheureusement, il n'y aura pas de récaps «Top Chef» cette année. D'abord parce que je n'ai pas le temps et aussi parce que j'ai la flemme. En matière de télé-réalité, je suis comme Don Draper: je n'aime que le début des choses. C'est bien, les débuts. Rien de tel que le bonheur primitif consistant à décoller le petit opercule de protection d'un appareil électronique, croquer dans la première part de pizza ou casser le premier carré d'une tablette de chocolat. Rien de plus grisant que le frisson d'un premier baiser, de la première tasse de café du matin, ou d'une nouvelle saison de «Top Chef». C'est après que tout dégringole.

Quand t'arrives sur le quai du RER B.

Le premier épisode de «Top Chef» est souvent le meilleur, et c'était déjà pareil avec «Nouvelle Star»: les volets les plus excitants étaient toujours ceux consacrés aux auditions, où l'on voyait défiler une flopée de talents (quelques casseroles aussi), et où notre attention insatiable était maintenue en éveil. Comme aux prémices d'une relation, tout est encore frais, et chaque instant semble déborder de possibilités infinies.

Le premier épisode, c'est le moment où l'on déclare nos allégeances et où l'on décèle nos futurs ennemis télévisuels. Là par exemple, on a tout de suite envie de se moquer de Jean Frédéric Marie Henry Lou Covillaut, qui nous dit un cigare à la main qu'il «aime aller aux champignons, le golf et les pantoufles». Château de Montmirail realness. Ce candidat est la preuve, s'il en fallait, que la droitisation de la France a atteint son étape ultime.

C'est possible, oui.

J'ai aussi envie de me déclarer team Victor parce qu'il fait des desserts au foie de volaille, et team Albane parce qu'elle est amie avec un oignon et qu'elle semble être l'incarnation humaine du désespoir. C'est ça qui est bien –à cette étape précoce, les lubies et particularités des candidats paraissent toujours originales. On n'en est pas encore au stade où une phrase d'accroche charmante («Vamos!») devient épuisante. On se laisse surprendre par le style d'un chef («Moi, j'adore les poissons d'eau douce») avant de comprendre, dix épisodes plus tard, qu'il ne sait faire que ça.

Les signes d'épuisement télévisuel se font de plus en plus visibles

Qu'importe si les promesses du début finissent par ne pas être tenues. Dans un premier épisode, tous les rêves sont permis. On nous promet de l'inédit, de l'émotion sans précédent, des difficultés insurmontables et des épreuves plus rocambolesques que jamais. Et à ce jeu, cette année, on n'est pas déçu. Après la boîte noire, la boîte blanche! Les chefs invités sont des hologrammes! Les nouvelles brigades sont… enfermées dans des vans!!! La saison 14 de «Top Chef», c'est vraiment l'équivalent culinaire de Fast 9: toujours plus loin, toujours plus absurde –et à en juger par certaines assiettes, toujours moins comestible. Le seul truc qu'ils n'arrivent toujours pas à disrupter, c'est la durée de l'émission.

Quatorzième saison oblige, les signes d'épuisement télévisuel se font de plus en plus visibles. Quand une émission de télé-réalité commence à ajouter une compétition parallèle secrète, à caster des frères ou recruter des candidats qui viennent d'autres pays parce que tous les Français ont déjà participé, c'est que c'est le début de la fin.

Quand tu penses que ton crush t'a envoyé un SMS mais en fait c'est juste Bouygues Telecom.

Malgré la magie des commencements, on le sait, la routine et la lassitude finiront par s'installer. Après tout, combien de fois peut-on entendre que quelqu'un a «créé le fenouil 2.0»? Ricaner en voyant des chefs déguster des boules de pétanque en trompe-l'œil? Regarder des framboises qui tombent dans une flaque au ralenti? Combien de tartes au caca pourrons-nous encore subir? Combien d'aberrations visuelles censées «raconter la détresse des producteurs de pomme»? Combien de cromesquis, combien de câpres mal genrées???

Même si je suis déjà hantée par les tresses de Danny le rappeur blanc, j'ai envie de me laisser surprendre. De m'investir dans les destins de Gaston et de Carla, de saliver à chaque fois que j'entends retentir les mots «gras de bœuf», de patienter jusqu'au retour de Pierre Gagnaire.

Mais alors que minuit approche, je sens déjà l'espoir faiblir. Bientôt, un engagement social prévu le mercredi soir me tiendra éloignée de «Top Chef», et l'écart entre moi et l'émission commencera inévitablement à se creuser. Dans quelques semaines, on se ghostera mutuellement, sans rancœur ni animosité, juste en s'interrogeant de temps en temps: «Tiens, je me demande pourquoi ça n'a pas marché.» Peut-être même qu'on se recroisera, et qu'on essaiera de s'aimer à nouveau. En attendant, bon vent.

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