Bienvenue dans Anaïs regarde beaucoup trop de choses. Le principe de cette chronique est simple: après avoir regardé tout et n'importe quoi à la télé, notre experte séries Anaïs Bordages repousse ses limites au-delà du petit écran.
On a tous fait la même chose pendant les vacances de Noël. Non, pas manger des quantités inhumaines de bûche et tenter d'expliquer ce que veut dire «miskine» à nos parents. Enfin si, ça aussi. Mais à Noël 2022, on a surtout pu s'offrir un rare plaisir: la contemplation de l'immortalité.
Cette année, le plus gros hold-up des fêtes n'a pas été réalisé par votre tante Josette qui a réussi à choper le dernier kilo de Saint-Jacques à Intermarché, mais bien par Canal+, qui trois jours avant Noël, a rendu disponible sur sa plateforme Top Gun: Maverick, le film le plus populaire de 2022. Et a ainsi offert à des millions de téléspectateurs une communion bien plus réjouissante que n'importe quelle messe de Noël –désolée les catholiques, mon Jésus à moi a des lunettes aviateur, une moto super cool et des abdos en titane.
Top Gun: Maverick, c'est quoi? C'est le même film que Top Gun (1986), mais en mieux. Pour faire simple, la différence entre Top Gun et Top Gun: Maverick est la même qu'entre une PastaBox Sodebo et un plat de pâtes à Rome: techniquement identiques, spirituellement irréconciliables. Top Gun: Maverick, c'est un divertissement divin, une icône à la gloire de Tom Cruise, dieu éternel du cinéma d'action. C'est une lutte du passé pour rester dans le présent. C'est la preuve que le cinéma n'est pas mort. Qu'un scientologue sexagénaire peut sauver le monde. Que Tom Cruise est éternel.
Quand tu réalises que la bûche «quatre parts» peut en fait nourrir trois arrondissements parisiens.
On essaiera bien de vous faire croire que ce film parle d'un pilote de chasse rebelle et sexy nommé Maverick, mais ne soyez pas dupe: Top Gun: Maverick est un film sur Tom Cruise. Ou plutôt, sur l'immortalité de Tom Cruise. Une superstar de cinéma ayant commencé sa carrière avant l'arrivée des téléphones portables, qui du haut de ses 60 ans, rejoint le bon vin et les lasagnes dans la catégorie des choses auxquelles un peu d'âge ne fait pas de mal. «Le futur arrive, et vous n'en ferez pas partie», lui dit un cadre de l'armée très méchant au début du film. Tom Cruise va dédier les deux heures suivantes à lui prouver à quel point il a tort.
Dans Top Gun: Maverick, Tom Cruise est embauché pour former les meilleurs pilotes de la Navy et les préparer pour une mission à très haut risque. La jeune relève est là, arrogante et prête à reprendre le flambeau. Parmi ces pilotes fringants, on compte certains des acteurs les plus charmants d'Hollywood, notamment Manny Jacinto, Glen Powell et Jay Ellis. Mais ce que Top Gun: Maverick nous dit, c'est qu'aucun n'arrive à la cheville de Tom Cruise. Tom Cruise, c'est Chanel, et les petits jeunes charmants, c'est l'Outlet village de Nailloux.
Impossible n'est pas Cruise
Si je vous ai rassemblés sur cette page internet aujourd'hui, c'est pour vous parler d'une scène de Top Gun: Maverick en particulier. On peut avancer qu'il s'agit de la meilleure scène du film, et même, selon une source proche du dossier, de «la meilleure scène de l'histoire du cinéma». Une scène de raclée aérienne, voire de déculottée stratosphérique. Un feu d'artifice de testostérone old school. Une scène dans laquelle notre héros, Tom Cruise, déjoue toutes les attentes, défie toutes les règles, et montre à ces petits jeunes comment on fait les choses.
C'est un moment qui intervient environ aux deux tiers du film, alors que rien ne va plus. Maverick, à force d'être trop sexy et trop rebelle, a été viré. Dans quelques jours, les jeunes pilotes auront trois minutes pour détruire une base censée stocker de l'uranium, ou du plutonium, ou une autre substance maléfique qui se termine en «um». Peu importe: ils ne sont pas prêts, et sans Maverick, ils ne le seront jamais. Ce qu'on nous dit, depuis le début, c'est que cette mission est impossible. Et s'il y a bien une expression qui excite Tom Cruise comme une fourmi dans un bol de sucre, c'est «mission impossible».
Alors que tout semble perdu, et que les jeunes pilotes, abattus dans leur salle de classe militaire, se demandent comment ils vont bien s'en sortir, Maverick fait irruption dans les airs et sur leur écran. Sans autorisation, le vieux roublard a décidé de prouver qu'il pouvait réaliser la mission, non pas en trois minutes, mais en moins de deux minutes et quinze secondes!!! Comme le formulera très habilement le personnage incarné par Jon Hamm juste après, Tom Cruise va «démontrer que cette mission était possible» (vous l'avez?).
Pour sa démonstration, Maverick doit voler à une vitesse surhumaine, défiant toutes les lois de la physique et de la gravité. Alors que les secondes défilent sur le chrono, la situation semble de plus en plus tendue. D'ailleurs, Tom Cruise a la même tête que vous après la quatorzième huître du réveillon.
Quand ta tante Josette a un peu trop dosé le kir de l'apéro.
Le chrono avance. Les cascades s'enchaînent. C'est aussi serré qu'une finale France-Argentine. C'est chaud, c'est tendax, bref, ça ne sent pas bon, exactement comme quand votre tante Josette se met en tête de faire du gratin d'endives. Pendant trois minutes, on contemple Tom Cruise qui halète dans son avion, tandis qu'on s'accroche à notre siège et qu'on retient notre souffle. Dans un de ses superbes élans méta, Top Gun: Maverick crée un effet miroir, à la limite du film dans le film, avec une succession de plans sur des personnages qui, comme nous, savourent la scène.
Quand ta mère sort le brie truffé.
Charles Parnell, que l'on peut voir dans le GIF ci-dessus, est d'ailleurs l'incarnation par essence du public. À plusieurs reprises dans le film, il lève le poing en l'air, bouleversé par les capacités hors norme de Tom Cruise. Cet homme est moi, cet homme est vous, cet homme est la France qui se lève de son canapé à l'unisson pour acclamer les exploits d'un scientologue sexagénaire sexy et rebelle (je l'ai déjà dit?).
Évidemment –évidemment–, Tom Cruise détruit la cible et accomplit la mission. En deux minutes et quatorze secondes. Et bim, bande de tocards. L'occasion pour Charles Parnell de lever le poing encore une fois, avec une expression qui signifie clairement «Je veux, mon neveu!».
Quand tu réussis à caser «Je veux, mon neveu!» dans un article en 2022.
Au début du film, Maverick lui-même nous avait prévenus: accomplir ce boulot ne demandera pas moins de deux miracles successifs. Et ce à quoi on assiste là, comme les personnages du film, c'est un triple miracle de Noël.
Mon estomac le 26 décembre.
«Vous êtes voué à disparaître», avait dit à Maverick l'amiral très méchant, faisant bien sûr référence à la carrière de Tom Cruise. «Peut-être, répond ce dernier. Mais pas aujourd'hui.» En regardant Top Gun: Maverick, l'espace d'un instant, on peut croire à l'impossible. Croire que les films les plus populaires au box-office peuvent aussi être les meilleurs. Qu'un jour, la banquise arrêtera de fondre. Qu'Elon Musk prendra sa retraite. Que tante Josette ne commettra plus de crimes contre la gastronomie. Et que Tom Cruise ne mourra jamais.
Retrouvez chaque semaine Amies, le podcast d'Anaïs Bordages et Marie Telling dans lequel elles (re)découvrent des séries ou films cultes.