Culture

A Cannes, un détour par le décapant Acid

Temps de lecture : 2 min

Il ne faut pas oublier ce programme proposé par l’association de réalisateurs et de cinéphiles.

Dans cette sélection, il y a notamment «Qui vive», avec deux des meilleurs acteurs français en activité, Reda Kateb et Adèle Exarchopoulos.
Dans cette sélection, il y a notamment «Qui vive», avec deux des meilleurs acteurs français en activité, Reda Kateb et Adèle Exarchopoulos.

Au dimanche soir, la moisson cannoise est déjà si conséquente, en quantité et dans une moindre mesure en qualité, que le risque surgit d’un effet de brouillage. Aux terrasses, les conversations deviennent compliquées, plus personne n’a vu les mêmes films, chacun y va de ses choix, qui sont d’abord choix des séances avant d’être élection des films préférés.

A ce jeu, qui met en concurrence objective les trois sections officielles (Compétition, Un certain regard, séances spéciales de divers types) et les deux «grandes» section parallèles, la Quinzaine des réalisateurs et la Semaine de la critique, soit l’ensemble de ce qui figure sur le programme remis à tout festivaliers (sans mentionner les courts métrages, et les films du patrimoines en copies restaurées), on conçoit qu’il faille un certain volontarisme pour aller en plus voir ailleurs.

Ailleurs, c’est à dire d’abord le programme de l’ACID, qui propose depuis plus de 20 ans d’autres idées du cinéma – et joue de ce fait parfaitement son rôle pour faire de Cannes dans son ensemble un festival couvrant un spectre très ouvert, du dessin animé hollywoodien Dragons 2 à, par exemple, Spartacus et Cassandra, très inventif documentaire de Ioannis Nuguet construit autour de la vie qui s’invente en marge des normes des deux enfants roms désignés par le titre.

C’est un des titres déjà présentés dans ce programme proposé par l’association de réalisateurs et de cinéphiles qui organise la circulation dans toute la France de films qui sinon n’auraient pas droit de cité sur les grands écrans, et dont la sélection cannoise aide année après année une dizaine de films marginalisés par le marché à trouver un distributeur.

Parmi ceux déjà montrés sur la Croisette, on mentionnera notamment le très vivant Je m’en sortirai du tchèque Petr Vaclav, sur fond de montée du racisme violent dans son pays, ou la fiction tendue et vibrante Qui vive, avec deux des meilleurs acteurs français en activité, Reda Kateb et Adèle Exarchopoulos, en attendant le deuxième film d’Aurélia Georges, dont on a pas oublié les débuts il y a 7 ans (déjà!) avec L’Homme qui marche.

Il faut faire une place à part à l’étonnant premier long métrage de Kaouther Ben Hania, Le Challat de Tunis. Aujourd’hui, la réalisatrice se lance sur les traces d’un personnage qui défraya la chronique dans son pays dix ans plus tôt, en tailladant au rasoir les fesses de nombreuses femmes dans la capitale. Le régime de Ben Ali avait alors triomphalement annoncé l’arrestation du coupable, et puis un voile opaque était retombé sur cette affaire.

Aujourd’hui, ledit coupable est supposé sorti de prison, Kaouther Ben Hania se lance sur ses traces, et c’est une véritable jungle de préjugés, de mensonges, de non-dits, mais aussi de souffrances et de vérités déplaisantes ou paradoxales qui se lève sur son passage. Au fil de cette recherche, une spirale tour à tour terrifiante, grotesque ou attachante s’enclenche, que la réalisatrice suit à ses risques et périls, et parfois en étant elle-même porteuse des manipulations ou des simplifications que le film fait apparaître.

La bureaucratie policière et judiciaire, les religieux, les gangsters, les misérables nouveaux riches fascinés par les signes extérieurs d’appartenance à un monde de strass imbécile, les garçon et hommes de toutes conditions et de tous âges enfermés dans des prisons sinistres de représentations d’eux-mêmes et qui font leur malheur en même temps que celui des femmes, qui pour la plupart, partagent les mêmes conceptions, l’horreur de la rumeur et l’ordure décuplée du jeu vidéo crétin, du petit commerce racoleur et du vide éperdu des existences de toute une jeunesse composent un tableau aux reflets infinis, qui sont une très belle prise en charge par les moyens du cinéma d’un état économique et psychique d’une société.

Jean-Michel Frodon

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