Jacques Le Goff était né à Toulon, le 1er janvier 1924, il est mort ce 1er avril, à l'âge de 90 ans, selon Le Monde. C'était «notre grand historien», comme l'expliquait Le Nouvel Observateur en 2010:
«A chaque époque, les Français veulent avoir un grand historien que le monde entier leur envie, comme les Allemands un grand philosophe. Au XIXe siècle, ce furent Michelet, Renan, Lavisse. Plus près de nous, Emmanuel Le Roy Ladurie bénéficia de cette apothéose dans les années 1970 après l'énorme succès de son "Montaillou"».
Et depuis la mort de Fernand Braudel, Jacques Le Goff était ce grand historien.
Spécialiste du Moyen Âge, Le Goff racontait toujours cette période avec verve et sans cliché. Une verve qui avait par exemple fait de son Saint-Louis, biographie parue chez Gallimard en 1996, un best-seller. Sans cliché, car loin de la vision d'une période coincée entre «d'un côté l'obscurantisme lugubre, de l'autre le temps mièvre des troubadours».
Surtout, Jacques Le Goff, plus globalement, avait réfléchi à une Nouvelle histoire, courant historiographique qui voulait aborder l'Histoire sans la comprendre comme un simple récit mais en étudiant un phénomène historique sur le plan économique, social et en se penchant sur les représentations collectives, sur l'imaginaire.
Il n'avait pas inventé le terme –Marc Bloch l'avait employé dès 1924 (Les Rois thaumaturges) et Lucien Febvre (1978- 1956) avait dit la nécessité d'étudier l'«outillage mental» pour comprendre les croyances collectives d'une période donnée. Mais Jacques Le Goff faisait partie du groupe d'historiens qui en avait fait la renommée, et il avait contribuer à la théoriser. D'abord dans un premier ouvrage coécrit avec Pierre Nora, en 1974: Faire de l'histoire. Et dans un deuxième écrit avec Roger Chartier et Jacques Revel en 1976, La Nouvelle Histoire.
«Comment voulez-vous appréhender une époque et une civilisation sans y inclure la littérature, l'art et le droit? C'est impossible», lançait Le Goff. «Il faut redire à quel point la littérature est importante pour la compréhension de l'histoire, elle permet d'avoir une vue synthétique. L'analyse des oeuvres littéraires, puis des oeuvres d'art, fournit une clé indispensable.» Il avait contribué à la réhabilitation de ces clés-là, prenait en compte la dimension anthropologique de l'histoire.
Cette Nouvelle Histoire, il la voulait «histoire-problème», «histoire qui questionne». Il l'avait expliqué sur le plateau d'Apostrophe, en 1979 après la sortie d'un dictionnaire au nom du mouvement.
Dans un article consacré à «l'explosion de la Nouvelle Histoire», le magazine Sciences Humaines écrivait:
«Avec le recul du temps, il est malgré tout bien difficile de trouver une unité conceptuelle consensuelle chez les nouveaux historiens, hormis une allégeance affirmée aux Annales. La multiplicité des oeuvres publiées, la diversité et le talent de ces "nouveaux historiens" manifeste surtout un éclatement des curiosités historiennes.»