Netflix comprend 76.897 catégories de films distinctes. Sur la plateforme américaine de films, il est par exemple possible de chercher les «films, visuellement frappants, sur les relations pères-fils» ou les «films d’époque émouvants avec un personnage féminin fort». Le site américain The Atlantic a compilé l’ensemble de ces catégories et a passé plusieurs semaines à comprendre ce qu'elles impliquent.
«Netflix a analysé et tagué méticuleusement chaque film et chaque série imaginable. Ils détiennent tout un stock de données sans précédent sur le divertissement et Hollywood.»
Netflix a embauché et entraîné des gens spécifiquement pour regarder des films et leur attribuer des spécificités pour constituer un stock de métadonnées. «Le processus est tellement sophistiqué et précis que les personnes chargées d’attribuer les tags reçoivent un document de 36 pages qui doit leur apprendre comment noter un film concernant le contenu sexuel, gore, les niveaux de romantisme, et même les éléments narratifs comme l’efficacité du dénouement».
Ce que cela permet à Netflix? Connaître extrêmement précisément les goûts de ses abonnés. Pouvoir leur proposer les films les plus proches possibles de leur goût. Et donc les retenir sur la plateforme. Mais cela permet aussi à Netflix, qui produit ses propres séries et ses propres films, de savoir ce que les spectateurs veulent le plus souvent voir.
«Netflix a créé une base de données des prédilections cinématographiques des Américains. Ces données ne peuvent pas leur dire comment faire une série, mais elles peuvent leur dire quoi faire.»
L’article de The Atlantic s’enthousiasme de voir émerger une telle base de données, permettant de comprendre non seulement le fonctionnement de Netflix mais aussi celui d’Hollywood, des producteurs des films qui se retrouvent sur la plateforme et finalement de l’industrie du cinéma en général.
Reuters remarque dans un autre article que cet enthousiasme est un peu trop débordant: cette masse de données, selon l’agence de presse, ne permet pas de mieux coller au spectateur, elle permet de trouver une stratégie pour le gaver le plus possible.
«Netflix ne veut plus me montrer ce que je veux regarder, et ne veut même pas spécialement me montrer des choses que j’ignorais aimer. [La plateforme] n’aspire qu’à me procurer toujours plus de la même sorte de contenus, issus d’une réserve faite principalement de films de seconde zone et de séries télé, et rendant, paradoxalement, extrêmement difficile la découverte de contenus de grande qualité.»
Diviser en catégories extrêmement précises enferme les spectateurs dans ces catégories. Elles permettent de cibler le spectateur de façon plus pertinente (l’eldorado de la publicité) mais lui évite de tomber par hasard sur un chef d’œuvre.
Netflix pourrait arriver en France dans les prochaines années –dès que les obstacles majeurs seront réglés. Si c’est une excellente nouvelle pour la richesse de l’offre en fiction audiovisuelle, dont on manque très manifestement, cette variété de catégories s’articule différemment. Elle pourrait conditionner les spectateurs français, comme elle risque de le faire pour les spectateurs américains, les enfermant dans des catégories. Surtout, si elle se sert des algorithmes américains, pour les choix proposés comme pour les contenus produits, elle pourrait refourguer aux spectateurs français des contenus formatés pour les Américains. Et uniformiser encore davantage les goûts culturels.