Ils ne tombent pas dans le domaine public, ils s’y élèvent. C’est en ces termes que le «Calendrier de l’avent du domaine public» nous présente, sur sa page d’accueil, une sélection d’auteurs, de philosophes ou encore de musiciens dont les œuvres verront leur droits d’auteur expirer ce 1er janvier 2014 en France, enrichissant à cette occasion «nos biens communs de la connaissance».
Concrètement, à partir de ce mercredi, il vous est par exemple permis de copier, d’échanger ou d’adapter, sans rien payer à personne, les écrits scientifiques de Nikola Tesla ou la correspondance de Camille Claudel.
La liste que donne ce Calendrier n’est pas exhaustive, et pour cause: comme nous vous l’expliquions l’an dernier à la même occasion, «les règles du domaine public sont tellement labyrinthiques qu'il est impossible de dresser facilement une liste des livres qui y tombent […], ou de donner "le" truc qui fonctionne à coup sûr pour savoir si untel ou untel est désormais accessible gratuitement.» Il a fallu donc opérer une sélection, ce qui a fait l’objet d’un atelier organisé par le collectif SavoirsCom1 en octobre dernier, comme l’explique le blog Romaine Lubrique:
«Il s’agissait d’abord de chercher tous les auteurs dont les œuvres seraient dans le domaine public en janvier 2014. Nous avons donc consulté les pages de Wikipédia listant toutes les célébrités dont la mort remonte très exactement à 1943 (car 1943 + 70 ans = 2013 et leur entrée dans le domaine public le 1er janvier de l’année suivante). […] La liste des personnalités mortes en 1943 était d’une longueur impressionnante, il fallait donc sélectionner une trentaine de noms nous paraissant relever d’un certain intérêt pour le domaine public.»
Qui trouve-t-on donc cette année? Quelques noms connus du grand public, comme les Claudel et Tesla, donc, mais aussi Eric Knight et Beatrix Potter, respectivement auteurs de Lassie et de Jeannot Lapin, la philosophe Simone Weil, dont Camus a écrit qu’elle était «le seul grand esprit de notre temps», ainsi que Paul Dukas, compositeur de l’Apprenti Sorcier (oui, celui-là même sur lequel Mickey ensorcelle des balais dans Fantasia).
Aux côtés des artistes, on trouve aussi l’ancien président de la République Alexandre Millerand, les résistants allemands Hans et Sophie Scholl, et même l’inventeur des céréales Kellogg’s, auteur de traités de diététique —notons que, comme ne manque pas de le préciser sa fiche sur le calendrier, «les corn-flakes ne relevant pas du droit d’auteur, leur recette est depuis longtemps dans le domaine public.»
Rappelons par ailleurs que cette année, des auteurs qui ne sont pas morts en 1943 rentreront dans le domaine public, et des auteurs qui sont morts en 1943 n'y entreront pas: une preuve du «byzantinisme effroyable du mode de calcul», pour reprendre l'expression du blogueur et spécialiste du domaine public Lionel Maurel. Le blog Romaine lubrique rappelle d'ailleurs que «les cas particuliers ne manquent pas! [Le] délai est variable selon la nationalité de l’auteur, le pays où a été publiée telle ou telle œuvre, et selon que l’auteur est mort pour la France (cas de figure fréquent en 1943)...».
Les auteurs morts pour la France pendant la Première ou la Seconde Guerre mondiale bénéficient ainsi d'une protection étendue, allant d'un peu plus de 88 ans à un peu moins de 95 ans. Ainsi, les écrits du résistant Jacques Arthuys, mort en 1943, ne tomberont dans le domaine public qu'en 2032 —et en 2033, cela sera le cas de ceux de Saint-Exupéry et de Max Jacob, disparus en 1944. L'écrivain Victor Segalen, auteur du célèbre René Leys mort en 1919, verra lui bien ses oeuvres tomber dans le domaine public cette année, mais il faudra attendre le 30 septembre.