Si vous vous êtes déjà endormi devant La Clémence de Titus ou devant un opéra de Wagner, vous n’êtes pas les seuls. Pourquoi même les œuvres des plus grands compositeurs contiennent souvent des passages ennuyeux? The Guardian s’interroge:
«Est-il possible que les moments d’ennui soient l’une des composantes qui font de ces opéras des chefs d’oeuvre? Ou est-ce un échec de mes propres facultés critiques, en tant que spectateur? Un échec des chanteurs et des acteurs, ou encore un échec du compositeur ou du dramaturge?»
The Guardian interviewe différents interprètes et spécialistes qui donnent leur avis et des conseils (tous s'accordent à dire que l'ennui parfois survient) comme celui de la soprano Barbara Hannigan:
«Avec Wagner, j’ai appris à être passive. A laisser la musique me submerger. Wagner est quelque chose que l’on subit. Quelquefois mon esprit vagabonde, mais cela fait partie du processus créatif, j’écoute, mais je pense aussi à d’autres choses.»
Parfois, l'ennui est cohérent, parfois c’est simplement un échec de l’opéra en question. Le dramaturge David Hare explique:
«Quelqu’un, mais j’ai étudié la littérature il y a trop longtemps pour me souvenir qui, disait que c’est la marque des plus grands –c’est-à-dire Shakespeare, Dostoïevski et Dante– d’avoir de longs passages illisibles. Parce qu’ils accomplissent de grandes choses, leurs échecs sont tout aussi grands. Leurs prouesses nous dépassent, leurs ratages aussi.»
Mais à la différence d’un roman, dont vous pouvez sauter des passages, à l’opéra vous êtes bloqué dans un siège à attendre que l’ennui passe.
Ceci dit, une pièce ennuyeuse peut aussi finir par trouver son intérêt pour le spectateur. Ainsi, dans un dialogue avec une journaliste de Slate qui n'était jamais allée à l'opéra, notre spécialiste Jean-Marc Proust avouait:
«J’ai longtemps trouvé Falstaff ennuyeux, décousu, déceptif...»
Mais ajoutait qu'il avait changé d'avis:
«J’ai appris à connaître l’oeuvre, à la scène ou par le disque.»
De même, sur Slate.com, le compositeur Jan Swafford avait expliqué comment il avait appris à aimer La Flûte Enchantée. Alors qu'à la première écoute, ayant acheté un coffret avec ses dernières économies, il avait tout bonnement détesté. Après avoir vu l'adaptation cinématographique de Bergman et réfléchi à l'oeuvre, il avait remis la main sur son coffret:
«Et je l’ai écouté de nouveau, inlassablement, jusqu’à ce que les arias amoureux les plus ennuyeux deviennent magnifiques, et que Papageno l’empoté se mue en indispensable faire-valoir du noble Tamino.»