Le 22 novembre 1963 fut une journée chargée. Notamment parce que le président américain mourut ce jour-là, et que cela eut son petit effet.
Dans le bruit et la fureur du jour, deux décès passèrent à la trappe. Ceux d’Aldous Huxley (auteur du Meilleur des Mondes) et C.S. Lewis. (Le Monde de Narnia). Ce n’était pas le bon jour pour mourir, explique le New York Times: «De manière générale, si on a envie de voir une mort faire la une des journaux, il est préférable de ne pas mourir le même jour, ou presque le même jour qu’un Kennedy. Ce fut aussi le cas du romancier Dominick Dunne, mort en 2009 le lendemain de la mort du sénateur Edward M. Kennedy. La famille de Dunne refusa même de confirmer sa mort, inquiète de voir le torrent médiatique consacré à Kennedy noyer les nécrologies de Dunne».
Ce 22 novembre donc, C.S. Lewis mourut le premier. Dans les bras de son frère, chez lui, à Oxford, où il était 17H30. Une heure plus tard (12H30 au Texas), JFK se faisait tirer dessus, il serait déclaré mort une demi-heure plus tard.
Aldous Huxley mourut le dernier. Le Daily Beast raconte: «au Cedars of Lebanon Hospital à Los Angeles, la deuxième femme d’Huxley, Laura, quittant son chevet pour transmettre sa demande d’une injection de LSD, trouva le médecin et les infirmières devant la télévision, choqués, regardant les informations sur l’assassinat de JFK». Quand le romancier mourut, il était 17H20.
En l’espace de huit heures, sur deux continents, la mort avait fauché d’Est en Ouest trois visions du monde, trois manières d’appréhender des questions universelles: que va devenir le monde et comment l’améliorer.
«Comment mesurer ces hommes, cinquante ans plus tard?» s’interroge le Daily Beast. «La réputation d’Huxley n’a fait que décliner depuis qu’une culture hédoniste de la drogue se l’est approprié à tort», et toute son œuvre a été éclipsée par un seul livre: Le Meilleur des Mondes. Mais ce livre demeure comme l’une des plus grandes et des plus éclairantes dystopies jamais écrites, rangée dans les bibliothèques au côté de 1984 de George Orwell.
Lewis, de son côté, n’a jamais été aussi hype. En 1993 un film retraçant des épisodes de sa vie, avec Anthony Hopkins et Debra Winger, avait étoffé sa réputation. L’adaptation cinématographique de sa saga sur Narnia l’a rendu incontournable, et une stèle érigée dans le Coin des Poètes de l’abbaye de Westminster à Londres, est inaugurée ce 22 novembre.
Kennedy, n’en parlons pas: l’ensemble des articles commémorant les cinquante ans de son assassinat, annonçant de nouveaux inédits, de nouveaux témoignages, de nouvelles pistes, dit bien à quel point le personnage et son aura sont encore vivaces.
Tous trois ont été intégrés à la pop culture. Et C.S. Lewis et Aldoux Huxley prouvent que si l’on peut rater le jour de sa mort on n’échappe pas forcément à la postérité pour autant.
N’ayez plus peur de mourir le même jour qu’un Kennedy.