Il y a eu plusieurs phases dans la carrière de Robert Redford. Au début, c’était le beau gosse 100% américain –l’idole aux yeux bleus perçants et au charisme assassin. Ensuite ça a été le gosse de Sundance, un rôle de star en herbe qu’il a habilement suivi avec des performances mémorables dans des grands classiques comme L’Arnaque (The Sting) et Les Hommes du président (All the President’s Men). Après, il s’est aventuré de l’autre côté de la caméra, ce qui a bien marché –il a gagné l’Oscar du meilleur réalisateur pour son premier film, Des Gens comme les autres (Ordinary People), et s’est vu nommé une nouvelle fois en 1994 pour Quiz Show.
Aujourd’hui, au terme de deux décennies de tâtonnements, il semble être à la recherche d’une dernière victoire: attraper enfin un Oscar du meilleur acteur après cinquante ans passés à être une icône du cinéma.
Ce qui pourrait bien arriver. Dans le nouveau film de J.C. Chandor, All is Lost, Redford joue le rôle d’un homme perdu en mer après que son bateau a été coulé par une collision avec un conteneur à la dérive. La bande-annonce et le film sont en grande partie dénués de dialogues, mais on peut presque entendre le monologue intérieur de Redford au moment d’accepter le rôle.
Un homme perdu en mer? Je suis le seul acteur? Ce pourrait être mon dernier grand coup! Ça a marché pour Tom Hanks!
Le Seul au monde de Tom Hanks avait, l’année de sa sortie, perdu l’attention du public au profit d’un certain gladiateur, mais la tentative de Robert Redford devrait lui porter un coup supplémentaire, du moins si l’on peut se fier à la bande-annonce.
Redford a gagné un Oscar d’honneur pour l’ensemble de son œuvre en 2002, mais il a publiquement reconnu que cette récompense lui avait semblé quelque peu condescendante dans la mesure où cela sous-entendaitque sa carrière était sur le déclin. Le reproche était justifié: l’année suivante, c’est Peter O’Toole qui a été récompensé, à 70 ans, après avoir été nommé à sept reprise pour le meilleur acteur sans jamais l’emporter (quelques années après il a été nommé de nouveau, et a perdu de nouveau).
Oscar mis à part, le film s’apparente à un compte-rendu terrifiant du combat d’un homme pour sa survie. Sa réception a Cannes à été enthousiaste. Le premier film de Chandor, Margin Call, était un thriller incisif qui examinait de l’intérieur la dernière crise de Wall Street. All is Lost, en grande partie silencieux et éloigné du règne de l’actualité, présente un contraste tranchant avec ce film, et il est réjouissant de voir que Chandor comme Redford testent ici leurs limites. Malgré le côté vu et revu de la figure de l’homme perdu en mer –ce plan aérien à la fin de la bande-annonce en rappelle un très similaire dans L’Odysée de Pi (Life of Pi), encore qu’il y ait moins de baleines lumineuses– Redford a la gravité et la présence nécessaire pour donner à ce film quelque chose de nouveau, dérangeant et, oui, ça mériterait un oscar.
Sharan Shetty
Traduit par Margaux Leridon