James Gandolfini, l’acteur mythique des Soprano, est mort mercredi 19 juin à l’âge de 51 ans en Italie. Si cette série, l’une des plus saluées par la critique des années 2000, est sur votre liste des séries que tout le monde vous recommande mais que vous n’avez jamais commencée, il est encore temps de vous y mettre. Pour cela, vous devez trouver «l’épisode passerelle», celui que vous pouvez regarder sans aucune connaissance du contexte et qui vous donnera une vraie idée de ce qu’est la série, et de si vous allez l’aimer ou pas.
Quand je me suis enfin décidé à rentrer dans l’univers de Les Soprano, j’ai rassemblé l’argent pour acheter la série entière sur Amazon parce que je ne pouvais supporter le délai entre les envois de Netflix [service de location de DVD aux Etats-Unis, NDT]. Il m’a été impossible de ne pas m’épanouir dans les mondes entremêlés de la série, entre cette violence qui transpire et l'intimité peinarde d’une banlieue résidentielle.
L’écriture est délicieuse et les personnages sont aussi profonds et tordus que l’idée que nous avons tous de nous-mêmes. Bon d’accord, leurs problèmes ont plus tendance à tourner autour de questions comme «Comment puis-je tuer ce type qui a rejoint un programme de protection de témoins?»
Dans l’épisode 5 de la saison 1, College, notre anti-héro Tony Soprano (James Gandolfini) et sa fille Meadow (Jamie-Lynn Sigler) parcourent les petites routes du Maine pour rendre visite à des établissements d’enseignement supérieur tout en se déportant occasionnellement à contre-sens pour suivre un type qui a trahi des amis mafiosi de Tony. Pendant ce temps, dans le New Jersey, Carmela (Edie Falco), la femme de Tony, passe une nuit bien arrosée de vin qui se transforme en découchage plus ou moins chaste chez Père Phil, son conseiller spirituel.
Voilà le monde des Sopranos, où le danger et la menace tapissent chaque scène comme une moquette murale.
Secrets sur la conscience
College est un épisode qui se tient tout seul, et la plupart de ses scènes ont lieu entre deux personnages qui ont d’énormes secrets sur la conscience. Alors que Tony attend que Meadow finisse son entretien à Bowdoin, la caméra s’attarde sur une citation d’Hawthorne gravée sur le mur:
«Aucun homme ne peut avoir un visage pour lui-même et un autre pour la multitude sans finir par se demander lequel est vrai.»
Une citation appropriée: l’épisode parle de confessions, petites et grandes.
Confessions
Et ces confessions touchent au cœur des conflits internes de ces personnages, ce qui explique pourquoi College est l’épisode idéal pour les novices qui veulent donner à la série une chance de les séduire en une heure. La plus grande confession vient de Carmela, qui avoue savoir que son mari a fait des choses horribles, mais chaque personnage fait face dans cet épisode à la culpabilité qui précède la libération de l’aveu.
Même Meadow, malgré sa naïveté apparente: elle a essayé le speed avec ses amis, avoue-t-elle à son père, mais «c’est devenu trop flippant» et elle ne le fera plus, jure-t-elle.
Pendant ce temps, Tony navigue entre l’angoisse suffocante et l’agressivité de son travail et la relative banalité qui consiste à aider sa fille à passer la prochaine étape de sa petite vie bon chic bon genre. La balance sur laquelle Tony tombe par hasard s’appelle Petrulio. Comme un délicieux film d’une heure, l’épisode prend son temps pour montrer la poursuite après que Tony l’a repéré, retournant occasionnellement à la nuit de cinéphilie et de religion que passe Carmelia avec Père Phil.
S'identifier avec un gangster et sa famille
College est plus connu pour le dénouement brutal de la poursuite, mais je savoure les mensonges fragiles et les tentatives de dissimulation qui le parsèment.
«J’ai laissé ma montre à l’hôtel»
«Y a-t-il un commandement interdisant de manger des ziti?»
Ces bobards et autres dérobades sont ce qui permet à ceux d’entre nous dont le métier n’est pas de tuer (ou qui ne sont pas amoureux d’une telle personne) de nous identifier. Avec Les Soprano, on a envie, au moins un peu, qu’un méchant sans pitié gagne pour que sa fille intelligente puisse aller dans une grande école et que sa femme s’assure qu’il y a un excès de prosciutto dans le frigidaire.
Si vous êtes séduits par College et décidez de regarder la série du début à la fin, vous finirez peut-être par vous plaindre du fait que les dernières saisons ne sont pas aussi bonnes que les premières, comme beaucoup l’ont fait quand ils ont été diffusés pour la première fois.
Mais souvenez-vous qu’il n’y avait vraiment rien de comparable à cette série quand elle a débarqué. Et j’aurais tendance à dire qu’il n’y a rien eu de similaire depuis.
Julia Furlan
Traduit par Grégoire Fleurot