Culture

Les statisticiens vendent à Hollywood la promesse du scénario parfait

Temps de lecture : 2 min

Le Docteur Folamour dans le film éponyme de Stanley Kubrick en 1964.
Le Docteur Folamour dans le film éponyme de Stanley Kubrick en 1964.

Oubliez les zombies. C’est old. Les data-crunchers, ces spécialistes de l’analyse statistique, envahissent Hollywood, écrit le New York Times.

Evidemment, cela devait arriver un jour ou l’autre. «Le même type de spécialiste de l’analyse statistique qui a refondé l’analyse électorale et le marketing online est de plus en plus utilisé par l’industrie du divertissement.» Les voilà qui prennent d’assaut le dernier bastion de créativité humaine à l’ancienne non encore soumis aux diktats des moyennes statistiques et à la froide prédiction de l’algorithme tout puissant: le scénario de film.

Pour 20.000 dollars, la société de Vinny Bruzzese, un ancien professeur de statistiques qui se présente comme un lointain parent d’Albert Einstein, propose une analyse de script sur la base de précédents succès et de résultats de focus groupes et de sondages, afin d'aider les producteurs à maximiser leurs chances de faire un succès au box-office.

«Un super-héros maudit ne se vendra jamais autant qu’un super-héros protecteur», explique-t-il par exemple. Des services d’aide à la décision comme celui-ci sont bien logiquement devenus le «pire cauchemar» des scénaristes, raconte au New York Times l'un d'eux, Ol Parker, à qui on doit notamment le scénario de la comédie Indian Palace:

«C’est l’ennemi de la créativité, rien de plus qu’une tentative de singer ce qui a déjà marché auparavant. Cela ne peut qu’aboutir à une homogénéisation insipide. C’est une ruée vers la banalité.»

Le statisticien rétorque qu’il rencontre toujours le scénariste avant de livrer son avis, «pour écouter et comprendre l’intention créative, afin que l’analyse soit contextualisée». Et un scénariste primé par un oscar, qui parle sous couvert d’anonymat pour protéger sa réputation, admet que l’avis donné par Bruzzese lui a été d’une grande utilité. La Défense Lincoln, succès de 2011 adapté du roman de Michael Connelly, a également bénéficié du scanner du fameux Bruzzese, raconte au New York Times le producteur Scott Steindorff.

La méfiance des auteurs face aux approches «scientifiques» n'est bien sûr pas nouvelle. Ainsi, on fait souvent remarquer qu'un film comme Fight Club aurait été mis à la trappe si on s'était contenté des résultats des sondages, souligne l'article du New York Times (100 millions de dollars de recettes).

Comme le rappelle Matthiew Yglesias sur Slate.com, la nature même du marché du cinéma est d’investir des millions de dollars pour en dégager quelques-uns, dans l’espoir de générer une petite proportion de blockbusters qui en gagneront des centaines... Et à 20.000 dollars le «data-crunching», Hollywood ne semble pas avoir encore pris très au sérieux cette technique de sécurisation de ses investissements.

Il faut dire que la statistique est encore loin de pouvoir livrer clé en main le script qui tue. L'article du New York Times est une histoire «inintéressante», pour le Pacific Standard, qui moque la «formule magique» du blockbuster en résumant les conseils du docteur Folamour d’Hollywood: pas de scènes de bowling, pas d’invocation de démons et pas de superhéros névrosés. Ce n'est pas une raison pour ne jamais l'écouter. Sa société a analysé le scénario d'Abraham Lincoln, chasseur de vampires, mais la production n'a pas suivi: le film a fait un flop. Mais fallait-il vraiment un doctorat en statistiques pour s'en douter?

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