Culture

Dr House, diagnostic de fin (9)

Temps de lecture : 4 min

Peut-on ne penser qu’à la sexualité dans un service hospitalier? Ne plus avoir que la petite mort en tête. Pour mieux lutter contre la grande. Tout le monde peut en faire autant. Il suffit de fermer les yeux. C’est de l’autre côté de la rue.

TF1/Universal.
TF1/Universal.

Attention, cet article contient des spoilers et raconte certains passages des épisodes 17 et 18 de la saison 8 de Dr House.

Il y a, aussi, du cochon en House. Pas de ce sale porc orwellien, stalinien et trotskiste, de La Ferme des animaux. Non, du cochon à la fois plus ancien et plus contemporain. De ce porcin dont on fait, aussi, le boudin. Du porc métaphore, l’ambivalence de la jouissance; mi groin-mi saloir. Pas vraiment du cochon où tout et bon. Non, du porc mi-figue mi-raisin. De ce mari de la truie dans lequel on voudrait que notre époque se mire (1). Genre verrat, vraie bête de concours agricole que l’on retrouve un beau matin sur le marché sous forme de langue de porc en gelée vendue à la criée.

On a souvent oublié, de nos jours, cette goûteuse préparation culinaire. Une présentation porcine à manier avec des pincettes. Si ses scandales sanitaires ne déferlaient pas à la vitesse de la marée la France se souviendrait de l’affaire dont elle porte le nom. C’était il y a, précisément, vingt ans: 63 morts et 22 avortements. Une belle enquête épidémiologique débouchant, en février 1993, sur la bien sale Listeria. C’est alors que fut porté sur les fonds baptismaux l’Institut national de veille sanitaire. L’époque n’était pas aux pauvres maquillages congelés entre l’équin et le bovin.

A bien y regarder, il y a aussi du cheval chez Hugh Laurie, né à Oxford, éduqué à Eton. Du sauteur qui n’aurait pas mesuré l’obstacle. Et à qui l’homme aurait laissé la vie sauve avec une canne et des opiacés pour la route. Pour l’heure, le claudicant a décidé de renouveler son écurie hospitalière. Il fait le maquignon sexuel devant un troupeau de professionnelles. Où l’on retrouve cette attirance-répulsion pour les femmes d’où, si l’on comprend bien, sourd tout le charme de cet homme. Aujourd’hui, ce docteur a tout pour plaire. Ayant quitté (dans les ébrieuses conditions que l’on sait) la femme de sa vie, il a doublement refait la sienne. On ne peut plus harmonieusement. La dichotomie paradisiaque. La beauté mariée à l’animalité.

Résumons. D’un côté un mariage blanc avec une beauté slave en quête de carte verte. De l’autre une beauté noire, dont les prestations sont justement rémunérées. Mais voilà que cette femme n’est pas loin de s’attacher à son cochon de client. Aussi entend-elle en rester là. Qu’House ne le perçoive pas de cette oreille ne change rien à l’affaire. D’où le ballet des professionnelles dans la salle de travail de l’hôpital. Avec cet assez joyeux exercice: sélectionner sa future partenaire sur la base de ses préférences dans la filmographie de Woody Allen. Sans oublier ses compétences en matière de réparation express de blender domestique (métaphore salace). Une expression de la perversité dans les beaux quartiers?

Avec un peu de patience, nous verrons (épisode 18) que de notre parallèle porcin n’était pas vain; via une autre forme de découpe hémorragique de la bête. Ce sera alors décapitation s’inscrivant dans le cadre d’un rituel thérapeutique de la communauté Hmong. Mais ne spoilons pas plus. Et ce d’autant que tout s’achève dans un merveilleux non-dit célébrant les épousailles de la médecine occidentale et d’une autre venue des antipodes. Tout cela (métaphore anatomique) autour du diagnostic (assez coton) de persistance du canal artériel, ce Panama pathologique.

Restons un instant concentré sur l’épisode 17. On pourrait certes n’y voir que sarabande avortée, le dérèglement (triste car athée) de tous les sens. Incitation à Sodome. Mais on peut aussi saisir cette occasion pour disséquer l’obsession de House, sa propension à vouloir non pas tout marier mais accoupler toutes celles et tous ceux qui l’entourent; généralement de manière hétérosexuelle. Précaution: la dissection ne se fait pas sans un peu de spoilation.

Le dossier médical s’ouvre le versement incoercible de larmes. Des larmes de sang chez un homme d’environ trente ans. Catéchisme ou pas, cela ouvre quelques horizons. D’autant que l’homme en question semble ne jamais avoir connu la moindre femme. Bibliquement s’entend. L’affaire s’avère vite plus complexe, avec notamment la présence d’une femme en latex. On sait que ces produits pneumatiques sont généralement présentés, perçus et commercialisés comme la femme idéale. Avec tous les attributs souhaités, rêvés, fantasmés. Souvent sans la sans la parole qui demeure sur option. (Il ne semble pas que la version mâle de l’ustensile soit très courue).

On imagine la suite. Nous ne la livrerons pas. Pour le diagnostic, ce sera une bien improbable «méningo-encéphalite amibienne primitive». Une rareté qui voit une bête ronger non pas l’oreille de la femme muette mais bien le cerveau de l’homme pensant. Ce qui provoque une jonction entre l’âme et le corps. D’où le jaillissement des larmes de sang par l’intermédiaire de la tige pituitaire. Précisons que tous ces épisodes sont interdits aux enfants de moins de dix ans.

Profondément régressif le propos peut, précisément, faire peur. A quatre ou cinq stations de la fin de Dr House, il pleut sur le Princeton-Plainsboro. De nuit, Wilson-Watson confie à House qu’il a un cancer. Un cancer du thymus, cette glande improbable que l’on a baptisée ris chez le veau. Chez House, ce soir, les femmes sont loin, la chair est triste.

Jean-Yves Nau

(1) Une actualité bruyante peut, en France, inciter à prendre du recul; et à en savoir plus sur les regards que l’homme a au fil des siècles porté sur les animaux. On trouvera alors un grand plaisir à (re)découvrir le formidable «Bestiaires du Moyen-Âge» de Michel Pastoureau (Editions du Seuil). Au rayon du cochon, l’auteur cite un texte anglais de la fin du XIIe siècle: «Bien qu’il ait l’ouïe fine le verrat n’entend pas la parole de Dieu mais préfère écouter les appels incessants de son ventre. Il symbolise les puissants qui ne travaillent pas et ne sont jamais rassasiés des plaisirs. La truie est une femelle lascive, dépourvue de bile ; ses porcelets sont plus nombreux que ses mamelles.»

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